Les Adultes de Demain

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L’adoption et la parentalité adoptive avec Geneviève Miral #201

Geneviève Miral est une figure incontournable de l'adoption en France. Dans cet épisode, elle partage son expertise sur la parentalité adoptive. À travers son témoignage et les dernières données, découvrez les défis et les réalités de l'adoption aujourd'hui. De l'évolution des chiffres aux implications de l'agrément, en passant par les besoins spécifiques des enfants adoptables, cet article vous guide dans la préparation à l'adoption. Geneviève Miral vous livre son expérience, ses conseils, ses ressources et la richesse que représente l’aventure de la parentalité adoptive. Elle est l’autrice de l’ouvrage : J’adopte un enfant, le guide des futurs adoptants

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L'adoption en France en quelques chiffres

Lorsqu’on parle d’adoption, il convient de distinguer l’adoption nationale de l’adoption internationale. Ainsi, en 2023, 176 enfants étrangers ont été adoptés par des ressortissants français. Vous pouvez consulter les chiffres publiés par la mission sur l’adoption internationale. Ce faible nombre d’enfants étrangers adoptés en France contraste fortement avec les plus de 4000 adoptions internationales enregistrées en 2005. Cette diminution s'explique par plusieurs facteurs :

  • la mise en place de la Convention de La Haye en 1993, qui encadre l'adoption internationale ;

  • l'amélioration des conditions économiques et sociales dans de nombreux pays d'origine comme le Brésil et la Chine.

Pour l'adoption nationale, les chiffres sont plus stables. En 2021, 616 enfants ont été confiés en vue d'adoption en France. Cependant, il y a eu une baisse notable depuis les années 1990. Les statistiques sur l’adoption nationale restent complexes à établir pour diverses raisons, dont notamment la partie recueil et analyse des données. Mais elle montre une certaine régularité autour de 600 à 700 adoptions par an.

Une autre tendance marquante est la réduction du nombre d'agréments pour adoption. Il est passé de 28 000 en 2005 à environ 9 000 aujourd'hui. Cette baisse s'explique par :

  • le principe de réalité imposé : moins d'enfants étant adoptables, moins de personnes s'engagent dans ce processus long et exigeant ;

  • moins de personnes souhaitent adopter aussi, en raison des parcours des enfants adoptables, de leur situation de vie, de leurs profils…

Le paysage de l'adoption en France est marqué par des changements législatifs et sociétaux qui ont directement influencé le nombre et le profil des enfants adoptés.

Le parcours d’adoption aujourd'hui en France

Adopter : un parcours complexe

L'adoption en France est devenue un processus de plus en plus complexe, pas seulement en raison de la procédure d’agrément dans laquelle il faut s’engager. Il est aujourd’hui plus difficile d’adopter car :

  • Le nombre d’enfants adoptables a considérablement diminué, comme nous l’avons vu. Ceci est notamment due à la mise en place de la Convention de La Haye en 1993, qui encadre et régule strictement l'adoption internationale pour protéger les droits des enfants. Par ailleurs, l'amélioration des conditions économiques et sociales dans des pays qui furent pendant un temps considérés comme en voie de développement (Brésil, Chine, etc.) a réduit le nombre d'enfants disponibles pour l'adoption internationale.

  • L’adoption de très jeunes enfants, voire de bébés, est de plus en plus compliquée, vu qu’ils sont de moins en moins nombreux. Le profil des enfants adoptables a fortement évolué. Aujourd’hui, ils sont souvent plus âgés, en fratrie (plusieurs frères et sœurs), ou porteurs de handicaps et de pathologies. Geneviève Miral explique que les enfants à besoins spécifiques représentent une grande partie des enfants adoptables. Cela nécessite d’avoir des parents adoptants prêts à relever des défis particuliers.

« Aujourd'hui, à l’international, à peu près deux tiers d'enfants adoptés arrivent avec des besoins spécifiques déclarés. »

Ainsi, Geneviève Miral explique que les enfants adoptés internationalement ont fréquemment plus de cinq ans, sont en fratrie de trois enfants ou plus, ou ont des besoins médicaux particuliers.

L’agrément pour adopter, un long mais riche chemin

L'agrément est une étape obligatoire du processus d'adoption en France. Il est redouté, notamment parce qu’il peut être ressenti comme une intrusion dans son intimité. Néanmoins, pour Geneviève Miral, ce parcours d’agrément est une véritable chance : son rôle dans la préparation des futurs parents adoptifs est essentiel et tellement enrichissant.

Ce parcours invite à se poser des questions avant d’adopter un enfant. L'agrément nécessite une réflexion approfondie sur l'acceptation de l'histoire de vie de l'enfant. Geneviève Miral souligne l'importance de se préparer mentalement et émotionnellement à accueillir un enfant qui a déjà vécu une histoire complexe avant son adoption : « on peut avoir des enfants très jeunes, qui vont avoir vécu des choses extrêmement compliquées ou qui auront eu une carence affective, même in utero, qui peut déclencher des dépressions du nourrisson, des choses extrêmement importantes ».

Les futurs parents doivent être prêts à accepter et intégrer l'histoire de l'enfant, qui comprend souvent des expériences d'abandon et de trauma. « Une des premières questions vraiment à se poser, c'est : est-ce que je me sens prêt à être parent d'un enfant que je n'aurais pas fabriqué, si je peux parler comme ça, et qui aura eu une histoire de vie avant moi ? ».

Lors de ce parcours d’agrément d’adoption, les futurs parents sont amenés à faire un travail sur soi primordial pour accueillir le ou les enfants adoptés. Adopter un enfant nécessite de faire le deuil de l'enfant biologique. Les parents doivent être prêts à abandonner l'idée de l'enfant « rêvé » pour accueillir l'enfant réel avec toutes ses spécificités et son passé.

L’expérience de Geneviève Miral en matière de parentalité adoptive

Ainsi, pour Geneviève Miral et son mari, qui ont adopté 3 enfants, le parcours d'agrément fut une étape fondamentale et enrichissante. Elle souligne que ce processus, bien qu'intrusif, peut être très bénéfique lorsqu'il est bien encadré par des travailleurs sociaux à l'écoute.

Par ailleurs, la communication constante avec son conjoint a été essentielle pour surmonter les défis de la parentalité adoptive. Les discussions après les rendez-vous avec les professionnels ont permis de renforcer leur union et de mieux préparer leur famille à l'arrivée de leurs enfants adoptés.

Pour Geneviève Miral, malgré les défis, la parentalité adoptive a été une source de grande satisfaction et de croissance personnelle. Elle insiste sur l'importance d'être flexible et prêt à réévaluer ses principes éducatifs en fonction des besoins réels des enfants adoptés. 

« Être une maman, comme toutes les autres mamans, avoir des questionnements de maman, des agacements de maman, mais aussi être obligée de bouger ses lignes. » 

Geneviève Miral se souvient d’« un parcours de vie où on ne s'est jamais ennuyé, avec  des tas de difficultés différentes, avec du TDAH, de la dyspraxie, des troubles du comportement, des difficultés scolaires diverses et variées… Tout ça, ça vous met en mouvement, ça vous oblige à réfléchir différemment, à se demander où on place les priorités ». 

Et de nous confier, du haut de son expérience, qu’il est une chose dont elle est certaine aujourd’hui, c’est que « la scolarité n'est plus une priorité ». Sans ôter l’importance de l’école dans le développement de l’enfant, Geneviève Miral attire juste l’attention sur le fait qu’il  « faut arrêter de mettre toujours ça sur le devant de la scène ». « On en crée un enjeu énorme qui va finir par devenir d'ailleurs un enjeu difficile dans la relation avec son enfant ».

Quel est le profil des parents adoptifs et comment a-t-il évolué ?

Le profil des parents adoptifs en France a beaucoup évolué au fil des années, reflétant des changements législatifs et sociaux. Le dernier rapport en la matière remonte à 2005. Rédigé par Catherine Villeneuve-Gokalp etJuliette Halifax, il s’intitule : « L’adoption en France : qui sont les adoptés, qui sont les adoptants ? » et détaille le profil des postulants à l'adoption en termes d'âge, en termes de configuration familiale, à cette date.

Geneviève Miral souligne que, jusqu'à récemment, seuls les couples mariés et les personnes célibataires pouvaient adopter, avec un âge minimum requis de 30 ans. « Aujourd'hui, l'adoption est ouverte à des personnes célibataires de plus de 26 ans, à des personnes en couple, qu'elles soient pacsées, vivant en concubinage, mariées, qui ont une vie commune de plus d'un an », explique-t-elle.

Cette évolution des critères d'âge et de statut conjugal a permis une plus grande diversité des configurations familiales parmi les parents adoptifs. Désormais, des familles recomposées, des couples homosexuels et des personnes célibataires de divers horizons peuvent envisager l'adoption. Cette diversité est bénéfique, car elle permet de répondre aux besoins variés des enfants adoptables.

Quels sont les défis de la parentalité adoptive ?

En quoi la parentalité adoptive diffère-t-elle de la parentalité biologique ?

L’absence de lien biologique

« J'aurais tendance à dire – et c'est une phrase un peu bizarre – que les familles par adoption sont des familles à part entière, au même titre que toutes les autres familles. En revanche, ce qu'on a beaucoup entendu et  pendant longtemps, j'aurais tendance à le récuser, c'est-à-dire que ce sont pas tout à fait des familles comme les autres ».

Par ces mots, Geneviève Miral invite à ne pas nier l’absence de lien biologique. Dans le cadre d’une adoption, le lien parents-enfants se construit sur des bases différentes. « Nos enfants voient bien qu’ils ne nous ressemblent pas ». Et cela peut de fait impacter le regard porté sur la famille et des problématiques liées à l’identité. 

Bien sûr, comme dans le cadre de la parentalité biologique, les parents adoptants pourront être amenés à se questionner sur les principes éducatifs, ceux reçus de leur propre famille, ceux véhiculés par la société. Ils les repasseront «  à la moulinette de la réalité de la vie » et ils composeront avec leurs enfants et les parents qu’ils sont. 

Des problématiques de parentalité courante… quelque peu exacerbées

Finalement, les problématiques d’éducation pour les parents adoptants sont similaires à ceux des parents biologiques. Il est généralement question :

  • de sommeil ; 

  • de scolarité ;

  • d’adolescence…

Mais ces problématiques de parentalité courante vont être mises en exergue par la société, du fait qu’elles se déroulent dans un cadre de famille ayant adopté. 

Il va y avoir comme un effet loupe. Les difficultés vont être, pour certains, exacerbées

  • L’adolescence peut être particulièrement musclée, bien au-delà de la norme

  • La scolarité peut devenir compliquée, en raison du parcours antérieur des enfants, pas forcément scolarisés jusqu’alors.

  • Sans compter que la plupart de ces enfants adoptés sont dans une situation de très forte insécurité affective. Il va leur être d’autant plus difficile « d’engager l’énergie nécessaire pour aborder les apprentissages ».

Genevière Miral convient qu’il peut être important d’avoir ces particularités en tête quand on accompagne des enfants adoptés, « ce qui ne veut pas dire de les ostraciser ou de les mettre dans des cases ».

Pour Genevièe Miral, « il faut qu'on arrive à avancer sur le parent rêvé, c'est-à-dire le parent qu'on imaginait qu'on pouvait être, et le parent, généralement assez décevant, qu'on est vraiment au quotidien ».

Et puis parfois,« on se trouve aussi des forces qu'on n'imaginait pas ».

💡 N’hésitez pas à écouter Mélanie Jean-Naudin sur le sujet des Parents d’enfants atypiques.

Comment gérer le sentiment d'abandon chez l'enfant adopté ?

Le sentiment d'abandon est une émotion incontournable pour les enfants adoptés. Elle préoccupe bien sûr les parents. Geneviève Miral explique que ce sentiment, quelles que soient les circonstances de l'adoption, peut engendrer une profonde insécurité et un manque de confiance envers les adultes.

« Cette insécurité peut se manifester de diverses manières, notamment par des difficultés à établir des liens stables et une méfiance générale envers les adultes ».

Le lien peut être compliqué à créer. Comment sécuriser émotionnellement un enfant adopté alors même qu’il craint l’autre et particulièrement l’adulte ?

Pour Geneviève Miral, le plus important est de savoir écouter attentivement les besoins des enfants et leurs questions, même lorsqu’elles surgissent de manière impromptue. 

Elle raconte comme son fils, à plusieurs reprises, lui a demandé si sa mère de naissance l'avait regardé. À chaque fois, elle lui répondait qu’elle n’en savait rien et ne pouvait répondre à sa question. À chaque fois, son fils finissait par revenir à la charge. C’est alors qu’elle s’est dit que si la question revenait sans cesse, c’est que la réponse n’était pas la bonne ou qu’elle ne répondait pas à la question. 

Elle a alors demandé à son fils ce que ça changerait pour lui si la femme qui lui avait donné la vie l’avait regardé. A 9 ans, il lui a répondu : « si elle ne m'a pas regardé, ça veut dire qu'elle m'a juste donné la vie, mais qu'elle ne m'a pas mise au monde ».

Pour Geneviève Miral, cette histoire personnelle est révélatrice de ce que les enfants peuvent avoir dans la tête par moment et qu'on n'imagine pas.

« Cette question, récurrente, révélait un besoin profond de validation et de reconnaissance de son existence dès sa naissance… Ce dont il avait besoin à ce moment-là, c'était d'être entouré dans son chagrin », explique-t-elle dans l’épisode.

Parentalité adoptive - FAQ

Faut-il raconter son histoire à l'enfant adopté ?

Selon Geneviève Miral, l'histoire de l'enfant est une part essentielle de son identité et lui appartient pleinement. À ses yeux, il est donc essentiel de raconter son histoire à l'enfant adopté. Elle explique que ne pas parler de cette histoire peut être catastrophique pour l'enfant, car cela touche à son intimité et à sa construction identitaire. Pour gérer les informations manquantes, il est important d'être honnête avec l'enfant sur ce que l'on sait et de reconnaître les zones d'ombre

Geneviève Miral souligne que répondre sincèrement et ouvrir la discussion sont deux points primordiaux, même si cela signifie admettre qu'on ne connaît pas toutes les réponses. « C'est la façon dont on incarne les choses qui va aussi changer la donne », dit-elle, insistant sur l'importance d'une attitude ouverte et rassurante.

Comment se préparer à adopter un enfant à besoins spécifiques ?

Adopter un enfant à besoins spécifiques nécessite une préparation approfondie et une compréhension claire de ce que cela implique. Geneviève Miral insiste sur la réalité des besoins spécifiques, qui peuvent inclure des pathologies, des handicaps ou le fait d'être en fratrie. Pour se préparer, elle recommande vivement de s'informer et de participer à des ateliers, des conférences et de recueillir des témoignages de parents ayant vécu des expériences similaires. Geneviève Miral souligne l'importance de réfléchir concrètement à son organisation de vie pour être disponible à la fois physiquement et psychiquement pour l'enfant.

Cette prise d’information multimodale sur l’adoption peut se faire dans le cadre d'associations, comme celle d’Enfance & Familles d'Adoption et ses associations départementales.

Dans ce cadre, Geneviève Miral, qui a rejoint l’association il y a 30 ans, anime des journées de sensibilisation à la parentalité adoptive. Elle réalise également des ateliers, au cours desquels il est question de la disponibilité parentale.

Elle fait aussi partie du service Enfants en recherche de famille (ERF) de l’association Enfance et Famille d’Adoption. Ce dernier est plus orienté vers les enfants pupilles de l’État et à besoins spécifiques. Et il possède son blog dédié, Zébulon

« L'arrivée d'un enfant chez tout le monde, c'est un bouleversement.

L'arrivée d'un enfant par adoption, c'est un bouleversement plus-plus ».

Références : 

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