#141 - Comment accueillir les émotions avec Faber et Mazlish - Roseline Roy
Savoir accueillir les émotions de l’enfant est aujourd’hui reconnu comme un élément clé pour son bon développement. Apprendre à connaître, reconnaître et gérer ses émotions contribuera à renforcer ses compétences psychosociales. Et pour réussir cet accompagnement, tout passe par l’établissement de relations sereines et apaisées entre parents et enfants. Roseline Roy, grande figure de Faber et Mazlish pour la francophonie depuis plus de 30 ans, partage les habiletés de communication développées dans cette approche. Elle revient sur ces outils qui permettent aux parents et aux enfants, quel que soit leur âge, de développer des relations harmonieuses. L'écoute des sentiments est l'habileté par excellence à apprendre. Et dans cet épisode de podcast et cet article, Roseline Roy nous explique comment accueillir les émotions de l'enfant.
Comment accueillir les émotions de l'enfant ?
Que signifie l'accueil des sentiments ?
Adele Faber et Elaine Mazlish ont suivi les ateliers du médecin psychologue Haim Ginott pendant des années. Elles témoignent de ce qu'elles ont appris durant ces sessions dans l'ouvrage Parents épanouis, enfants épanouis. Puis, avec l'autorisation du docteur Ginott, elles ont créé leurs propres ateliers. Cette expérience a donné lieu au best-seller Parlez pour que les enfants écoutent, écouter pour que les enfants parlent. Haim Ginott était un humaniste. Ce courant de psychologie donne beaucoup d'importance à l'écoute des sentiments.
L'idée de l’approche Faber et Mazlish, c'est qu'un enfant qui se sent bien se comporte bien. L'objectif est donc de rechercher à la maison, à l'école, ce que l'on peut faire en tant qu'adulte pour que les enfants se sentent bien. Dans la même veine, un enfant respecté respectera.
Accueillir les émotions de l'enfant, c'est chasser cette tendance à essayer de balayer très vite les sentiments et offrir à l'enfant un espace, un temps d'écoute et d'expression.
On pense qu'amoindrir une situation (le bobo par exemple) ou que punir un enfant qu'on a pris en flagrant délit de taper son frère ou sa sœur, va aider la victime à se sentir mieux. Or, ce dont ont besoin les protagonistes, victime ou agresseur, c'est de se sentir entendu.
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Quelles sont les étapes pour accueillir les émotions de l'enfant ?
Selon les situations, l'étape 1 peut ne pas être nécessaire.
Exprimer ses propres sentiments et décrire : on exprime le plus calmement possible notre ressenti (et c'est là que c'est généralement difficile, notamment quand on fait face à des sentiments négatifs tant chez soi que chez l'enfant). « Je suis fâché·e de voir des dessins sur le mur », « J'ai eu très peur »... On décrit : « je suis vraiment fâché·e de voir des dessins sur le mur. » On n'accuse pas, on ne dit pas « tu as dessiné sur le mur ». Finalement, peu importe que ce soit Pierre, Paul ou Jacques qui aient écrit, c'est le résultat qui nous met en colère. Pas de tu qui tue. On dépersonnalise. Normalement, le fait d'exprimer sa propre émotion nous aide à nous calmer.
Se mettre à hauteur d'enfant et mettre des mots sur ses émotions : « tu es frustré », « tu avais envie de dessiner et tu as trouvé que le mur, c'était la bonne place », etc.
Se taire, laisser libre l'espace de parole pour accueillir les émotions de l'enfant : on a tendu la perche, on le laisse réagir par reflet. « Non, je suis fâché, en colère », « Oui, j'avais envie de faire un grand dessin », etc. L'enfant se sent compris. Même s'il a tapé, il faut le laisser exprimer ce qui l'a poussé à avoir ce geste et l'écouter.
Viennent ensuite les étapes de recherche de solutions et résolutions de problèmes.
L'approche Faber et Mazlish : 6 piliers pour améliorer la relation parent-enfant
#1 - Accueillir ses émotions et celles de l’enfant
Nous venons de le voir, accueillir les émotions de l'enfant, mais aussi les siennes, est l'habileté par excellence à maîtriser. C'est aussi la plus difficile à mettre en pratique. En effet, quand nos sentiments, nos frustrations, sont éveillés, ils veulent prendre le dessus et s'exprimer en premier. On est alors à l'écoute de ce qui se passe en nous et on oublie d'être à l'écoute de l'autre. Il faut redonner sa place à l'empathie, à la compassion et se mettre à hauteur d'enfant comme dans le modèle éducatif suédois. Cela peut prendre du temps avant de maîtriser cette hauteur d’enfant et cette empathie. Mais plus on les maîtrise, plus les résultats sont extraordinaires.
#2 - Faire coopérer l'enfant
Dans les ouvrages de Faber et Mazlish, toute une série d'habiletés est proposée pour faire coopérer les enfants. Prenons l'exemple de l'enfant qui traîne le matin pour se préparer, mettre ses chaussures. On peut avoir tendance à s'énerver, à lui faire un long discours teinté de récriminations. Or, plus on le blâme, plus il va se sentir stressé, moins il va bouger. Pour faire la différence, Roseline Roy explique qu'il faut éliminer tout le grand discours et rester factuel. On décrit la situation : « les baskets ! », « on part dans 5 minutes. ».
#3 - Remplacer la punition
L'approche Faber et Mazlish ne croit pas en la punition. D'ailleurs, Roseline Roy l'explique très bien dans cet épisode « éduquer sans punir parce que les punitions, ça ne marche pas ».
« Attention, précise-t-elle, cela ne veut pas dire que c'est une approche dans laquelle les enfants sont livrés à eux-mêmes, ils deviennent des enfants rois, etc. Pas du tout ! ».
Parmi les outils possibles, on trouve bien sûr la fameuse résolution de problèmes. On associe l'enfant à la recherche puis à la mise en œuvre de solutions pour résoudre le problème. L'intérêt de la résolution de problème, c'est qu'elle s'adapte à l'âge de l'enfant, de l'ado. Roseline Roy conseille cette habileté pour des problèmes récurrents du quotidien, qui nécessitent que l'on s'assoit autour d'une table avec un papier et un crayon.
Éduquer sans punir n'empêche pas de continuer à avoir ses propres attentes, à vouloir transmettre ses valeurs.
#4 - Développer l'autonomie
Un chapitre de l'approche Faber et Mazlish est consacré à l'autonomie. Nous souhaitons tous que nos enfants deviennent des êtres autonomes, des adultes responsables. Roseline Roy explique à propos de l'habileté liée à la résolution de problème (mais c'est valable pour toutes les autres), que c'est un cadeau qu'on fait aux enfants à long terme. On leur apprend que lorsqu'il y a un problème, il y a des solutions. On leur apprend à les chercher, à développer leur autonomie en la matière.
#5 - Complimenter
En lisant les ouvrages d'Adele Faber et d'Elaine Mazlish, on se rend finalement compte qu'on ne sait pas complimenter. On le fait souvent tel qu'on l'a appris : c'est beau, t'es gentil, t'es courageuse, etc. Mais comme l'explique Roseline Roy, ce ne sont pas des compliments. Ce sont des évaluations.
Complimenter de façon à développer l'estime de soi, c'est apprendre à décrire :
« J'ai aimé quand tu as pris le temps de donner un jouet à ton petit frère, quand tu ne voulais pas qu'il joue avec ton jouet. Tu lui as donné un autre jouet en échange. »
L'enfant sait pourquoi il a été gentil, il s'en souviendra.
Ces habiletés qui ont l'air toute simples, produisent des effets incroyables, renchérit Roseline.
#6 - Libérer les enfants des étiquettes
Autre point important de l'approche Faber et Mazlish, on ne travaille pas avec des étiquettes, mais avec des personnes. Fini de qualifier untel comme le clown de la classe. L'objectif est d'aller toujours chercher ce qu'il y a de mieux dans l'enfant.
2 exemples concrets d’accueil des émotions de l'enfant
L'enfant qui tombe
Il s'est égratigné le genou. Il pleure. On a plutôt tendance à minimiser, à dire : « ce n'est rien, ça va passer. ». Roseline Roy explique qu'il est préférable de dire : « même si pour moi ça a l'air d'être une égratignure, ça a l'air de te faire mal ! ». Puis, on se tait et on attend, plutôt que de continuer à parler comme on a tendance à le faire. On a reflété un sentiment pour l'appeler, pour que l'enfant l'exprime à son tour. Il se sent en droit de le faire, il a été entendu. Et peut-être qu'il va simplement dire « oui, ça fait mal » et finalement, cela va s'arrêter là. Il n'a pas besoin d'en faire plus.
L'enfant qui fait une crise de colère
Dans l'exemple de l'enfant qui se roule par terre, hurle, parce qu'il veut quelque chose et qu'il ne peut l'obtenir, on peut lui dire : « tu es vraiment fâché ! ». Plus l'enfant est petit, plus on privilégiera le non-verbal, le paraverbal. Essayez, vous verrez que souvent, lorsqu'on dit à l'enfant « tu es en colère ou tu es vraiment fâché », il s'arrête et nous regarde parfois avec étonnement. Puis, il se calme. Il n'a pas besoin de grossir la crise parce qu'il se sent déjà compris.
Par contre, si à la place, on lui sort tout un discours à base « ce n'est pas parce que je t'ai refusé un gâteau que tu dois te rouler par terre, c'est n'importe quoi, arrête ce cinéma, etc. », la crise risque fort d'augmenter. Parce que l'enfant sent que pour se faire comprendre, il faut qu'il gonfle la situation, qu'il l'exagère.
Ce qui va calmer l'enfant, c'est de se sentir compris.
Apprendre à accueillir les émotions en se formant à l'approche Faber et Mazlish en France
Roseline Roy a fondé la maison d'édition, Aux éditions du Phare, afin de publier les traductions en français de tous les ouvrages d'Adele Faber et Elaine Mazlish. Sur le site, vous trouverez l'annuaire des animatrices d'ateliers par région. Pour se former à l'approche Faber et Mazlish et notamment à accueillir les émotions de l'enfant, il est donc possible :
de participer à un atelier ;
de rejoindre de groupe, de parents, d'enseignants, de professionnels ;
de lire et s'autoformer ;
de commander un guide d'animation puis d'organiser des petits ateliers entre parents, amis, professeurs, etc.
Et pour expliquer cette approche aux enfants et les aider à l'appliquer avec les camarades, découvrez les albums Bastien et les Blippoux.
Alors, prêt·e à accueillir les émotions de ton enfant, tout en étant au clair avec les tiennes ?