#150 - Devenir mère : philosophie et maternité avec Marie Robert

Devenir mère est une aventure empreinte de philosophie, d'émotions et d'apprentissages. À travers le témoignage inspirant de Marie Robert, nous explorons les différents aspects de la maternité. De la naissance du désir d'enfant à la rencontre avec le nouveau-né, chaque étape de la maternité nous confronte à la découverte de soi, à l'acceptation de l'inattendu et à la puissance de l'amour maternel.

Devenir Mère : réflexion philosophique sur la maternité

Marie Robert est une femme aux multiples talents. Elle est auteure, professeure, cofondatrice d'écoles Montessori, podcasteuse, animatrice du compte Instagram inspirant @philosophyissexy. Et c'est avec sa casquette de philosophe qu'elle s'est penchée sur la question de la maternité, d'autant plus lorsqu'elle fut enceinte de son petit garçon. 

Quand la Philosophie tait la maternité

Elle fut troublée de découvrir que la philosophie était relativement muette sur le sujet. Si, en philo, il est beaucoup question de création de soi, de la créativité artistique, le silence prédomine quand il s'agit de parler de maternité. Comme si évoquer l'enveloppe de la conception, qu'il s'agisse de la grossesse ou de la naissance était tabou. Est-ce parce que l'histoire de la pensée fut majoritairement le fait d'hommes ?  Est-ce à dire que l'intimité ne peut pas être pensée ? Marie Robert s'interroge.

Elle constate qu'on commence à réfléchir à nouveau à ces questions-là quand il s'agit d'éducation. 

Quand la philo se fait bavarde sur l'éducation

L'histoire de la philosophie de l'éducation est jalonnée de grands courants et de figures majeures. Ainsi, les Athéniens ont eu beaucoup de réflexions sur l'éducation, mais pas spécifiquement sur la parentalité. Ils se sont plutôt concentrés sur le rôle des précepteurs et des éducateurs.

Platon notamment considérait que l'éducation d'un homme prenait 50 ans. Elle devait être organisée de manière hiérarchisée. Une formation globale devait intégrer les arts, les mathématiques et la préparation à la vie de citoyen. Néanmoins, cette éducation était réservée à certains élus, ceux qui allaient devenir les gardiens de la cité grecque.

On trouve ensuite Rousseau et les pédagogues du XXe siècle. Mais, Marie Robert le souligne, il y a un silence, voire un tabou, concernant la sphère de l'intimité de l'enfant au sein du foyer. Cette sphère a été davantage investie par la sociologie et la psychologie que par la philosophie de l'éducation.

En ce qui concerne Rousseau, Marie Robert évoque son célèbre texte intitulé L'Émile. L'auteur imagine un enfant éduqué par un précepteur. Il démontre l'importance de faire confiance à l'enfant et de l'accompagner dans son autonomie. Cette vision a inspiré les nouveaux pédagogues du début du XXe siècle, comme Maria Montessori et Rudolf Steiner. Ces derniers ont repensé l'éducation avec un regard de confiance envers l'enfant.

La maternité, une transformation métaphysique

Marie Robert exprime dans ses propos sa façon de vivre la philosophie, la considérant comme une manière de vivre plutôt qu'une pensée théorique. La philosophie l'a toujours accompagnée dans tous les aspects de sa vie, que ce soit sur le plan professionnel ou intime. Elle évoque sa découverte de sa grossesse et la façon dont cela l'a confrontée à un certain vide philosophique.

Très peu d'écrits d'auteurs et de pensées philosophiques sont consacrés à la maternité. La société renvoie souvent la maternité à des aspects physiologiques et émotionnels. Elle réduit ainsi la femme à son corps et à ses émotions. Bien que Marie comprenne l'importance de ces aspects, elle trouve déstabilisant de ne pas trouver de réflexion philosophique approfondie sur le sujet.

Pour Marie, la transformation liée à la maternité est métaphysique. Elle ajoute un statut important à son identité, celui de mère. Cette nouvelle dimension soulève des questions sur le « je » et induit une transformation profonde de l'individu.

De l'intérêt de la philosophie pour vivre sa maternité

Aujourd'hui, de plus en plus de femmes ont le choix d'être enceintes ou non. De plus en plus de couples peuvent décider de concevoir des enfants ou non. Pour Marie Robert, on met donc de plus en plus de conscience dans cette aventure de vie. Et de fait, on ajoute beaucoup de projections, d'angoisses, de fantasmes.

« C'est devenu un acte tellement pensé qu'il faut justement, je crois, l'accompagner par une philosophie. Bien sûr c'est les émotions, bien sûr c'est le corps, bien sûr c'est un apprentissage de méthode, mais c'est aussi l'objet d'une grande moment d'introspection », explique-t-elle.

Pour Marie, sa grossesse et encore plus les premiers mois en tant que maman, sont un tremplin pour l'introspection : qu'est-ce que je veux transmettre ? Qu'est-ce que ça révèle en moi ?

De la peur de devenir mère au déclic

Pour Marie Robert, le fait de devenir mère fut l'inverse d'une évidence. Autant elle a toujours été à l'aise avec les enfants, au point de créer des écoles, autant devenir mère lui semblait vertigineux. 

Prendre la responsabilité de créer une vie ne lui semblait aucunement limpide. Qu'est-ce que cela signifie de devenir mère ? Est-ce une bonne chose de se reproduire ? 

Le déclic est sans doute lié au fait de rencontrer quelqu'un avec qui on a envie de vivre cette aventure. C'est aussi une personne qui offre la possibilité de se sentir accompagnée dans cette aventure. En rencontrant cette personne, « je devenais mère dans un contexte, avec quelqu'un, dans une sécurité, dans une pensée, dans une construction presque collective ». Marie Robert ne souhaitait pas porter seule cette extrême responsabilité de faire venir un enfant au monde.

💡 Découvrez l’épisode avec Mathilde Bouychou sur « Comment savoir si on veut un enfant ? »

Et puis il y a des signes de la vie. Marie Robert confie un événement marquant dans son cheminement pour devenir mère. Lors d'un salon du Livre, dans l'Est de la France, quelques semaines avant de décider d'enlever son stérilet, elle rencontre Suzy Morgenstern. C'est une célèbre auteure pour enfants, adorée par Marie. Elle a lu tous les livres de Suzy quand elle était enfant. Lors de cette rencontre, Suzy l'a regardée droit dans les yeux, comme habité par une immense intuition, et lui a dit : « vas-y, fonce ». « Et en fait, ça m'a fait rire, parce que je crois qu'elle percevait le poids d'angoisse métaphysique qui m'habitait », explique Marie.

Les injonctions autour de la maternité

Décider de devenir mère à 37 ans, c'est effectivement le risque de se voir assommée par les injonctions liées à la maternité. Pour Marie, la première injonction a commencé chez la gynécologique lorsqu'elle a décidé d'ôter son stérilet : « à votre âge, ça va prendre du temps ».

« Avant même d'être dans un quelconque projet, dans une quelconque réalisation, j'étais déjà conditionnée », explique Marie. Heureusement, elle a réussi à mettre un tout petit peu à distance les choses. Elle est tombée enceinte un mois après cet épisode... comme quoi... En bonne élève, consciencieuse, très rationnelle, elle a dévoré de façon quelque peu frénétique et obsessionnelle tout ce qui pouvait se lire sur le sujet de la maternité.

 Et c'est là finalement qu'elle a découvert « un des univers les plus injonctifs qui existent » :

  • sur son corps ;

  • sur le sport ;

  • sur son alimentation ;

  • sur comment elle devait vivre sa grossesse, sa maternité ;

  • et même sur ses émotions.

Marie avoue s'être sentie complètement dépossédée de qui elle était, de ce qu'elle allait vivre. Au point d'en faire une énorme crise d'angoisse. Elle s'est rendu compte que toutes ces projections qu'elle lisait n'étaient en fait pas les siennes. Elles étaient partagées sous couvert de bienveillance, comme une forme d'accompagnement. Mais elles étaient essentiellement négatives et avaient un rôle inverse à celui recherché. Au lieu de prémunir, elles instillaient de la négativité. 

La naissance est un passage

Marie explique avoir dû programmer sa césarienne, son enfant se présentant en siège. Cela lui convenait bien finalement, dans cette idée de maîtrise qui lui est chère. Mais cela ne s'est pas vraiment passé comme prévu : un personnel en grève, une anesthésie qui ne fait pas effet, une douleur incommensurable... l'imprévisible et l'incertitude se sont invités.

Mais quand son bébé est apporté par le haut, comme c'est le cas pour une césarienne, elle a l'impression qu'il arrive d'une autre planète. Elle le voit « extrêmement beau, extrêmement serein, qui ne pleure pas ». Elle est presque paniquée, parce que dans notre imaginaire les bébés pleurent. Marie décrit « la peau très reposée, le visage très rond » de son bébé. « Et là, je suis mais envahie d'un élan déjà d'amour mais considérable, et surtout de vie. À tel point que la première phrase que je prononce, c'est "bienvenue dans la tribu des vivants" ».

Marie ressent la naissance comme un passage unique entre des émotions extrêmes, des ténèbres à une intense lumière. La douleur intense a été rapidement submergée par un sentiment puissant d'amour et de vie, ce qui a marqué le début d'une nouvelle famille. 

Marie a transformé cette césarienne qui pourrait s'apparenter à un traumatisme, comme une expérience qui a ajouté de la vie à la vie. L'arrivée de son enfant a engendré un sentiment d'invincibilité et une profonde joie. Si la vie apporte son lot de défis, elle est aussi une source de joie: semblable à l'entrepreneuriat ou à l'écriture, la création de quelque chose de nouveau apporte une satisfaction immense.

👂 Écoutez l’épisode avec la psychologue clinicienne Béatrice Copper-Royer pour en savoir plus sur une autre transition, celle qui correspond au départ des enfants du foyer familial

Bien vivre sa maternité

Pour conclure ce récit d'expérience, Marie cite dans l'épisode, ses ressources préférées en lien avec la maternité, la grossesse et l'éducation.

  1. L'HypnoNaissance avec Ruxandra : une préparation en hypnonnaissance permet d'acquérir des outils utiles pour vivre pleinement sa grossesse et son accouchement, même en cas de césarienne. 

  2. L'écriture quotidienne : Marie a écrit tous les jours, en particulier sur ses ressentis et ses émotions liés à la maternité. Cette pratique lui a offert un espace d'expression où elle pouvait oser dire des choses inconfortables et difficiles à exprimer autrement. Écrire lui a permis de sortir ces pensées de soi et de les traiter de manière constructive.

  3. Lecture sur la maternité dans différentes cultures : pour élargir son regard sur la maternité, Marie a lu de nombreux ouvrages sur la maternité en Asie, sur le continent africain, et à différentes époques. Elle souhaitait comprendre comment la maternité est vécue dans d'autres contextes culturels et historiques. Elle cite notamment Chasseurs-cueilleurs parents de  Michaeleen Doucleff.

Pour découvrir ce que Marie souhaite transmettre à son fil, prenez le temps d'écouter l'intégralité de ce merveilleux épisode sur Devenir mère : philosophie et maternité. Marie vous y explique ce qu'est un mensh. Ce mot yiddish désigne une personne intègre, courageuse, en mesure de relever les défis de la vie avec compassion et confiance en soi. Et c'est ce que Marie s'attache à cette transmission de valeurs fondamentales pour qu'il soit un mec « bien ».

🎧 Écoutez un autre épisode des Adultes de Demain, avec Marie Robert : la philosophie dès l'enfance.

Ressources :
- Son compte instagram : https://www.instagram.com/philosophyissexy/
- Son podcast : https://podcasts.apple.com/fr/podcast/philosophy-is-sexy/id1494717762
- Et tous ses livres aux éditions Flammarion

Le podcast Les Adultes De Demain :

Deezer - Apple Podcast - Spotify

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