Choisir l’instruction en famille avec Helly Lambert #185

Alors que l’instruction en famille (ief) était un droit, cette liberté a été fortement entravée par une loi. Depuis septembre 2022, l’ief est soumise à autorisation et non plus à déclaration. Les conditions de pratique sont beaucoup plus restrictives. Mais pourquoi choisir l’instruction en famille ? Qu’est-ce qui pousse des familles vers l’ief plutôt que l’école et comment s’organisent-elles pour mener à bien l’école à la maison. Kelly Lambert, maman de 3 enfants, pratique depuis de longues années l’ief. Elle témoigne dans cet épisode du podcast Les Adultes de Demain.

Pourquoi choisir l'instruction en famille ?

L'histoire de Kelly Lambert : l’ief, un choix naturel et réfléchi

Kelly Lambert, mère de trois enfants et adepte de l'instruction en famille ou IEF, raconte : « C'était avec ma première fille... c'était juste logique pour nous. On ne savait pas au tout début que l'école à la maison était autorisée... Mais... ça paraissait un non-sens de la mettre à l'école du jour au lendemain et qu'elle soit séparée de nous la plupart du temps. » 

Cette décision ne fut pas, dans le cas de la famille de Kelly, un choix par défaut. Ce fut une décision fondée sur l'amour et le désir de préserver l'équilibre et le bien-être de l'enfant.

Avantages de l'instruction en famille : au-delà de l'académique

L'ief offre une multitude d'avantages par rapport à l’école traditionnelle, comme Kelly le souligne. Cela permet notamment :

  • de respecter le rythme biologique de l’enfant ;

  • de suivre son rythme d'apprentissage  ;

  • de personnaliser cet apprentissage, en explorant les intérêts et passions de l’enfant avec le soutien inconditionnel de sa famille. 

De plus, cette méthode éducative renforce les liens familiaux, créant un environnement d'apprentissage à la fois aimant et stimulant.

L’ief comme réponse aux besoins spécifiques de l’enfant

L’instruction en famille s’avère parfois être une solution adaptée à des situations particulières. Elle répond alors mieux aux besoins de l’enfant que ne peut le faire l’école :

  • ayant des problèmes de santé ;

  • souffrant de refus anxieux scolaire ou phobie scolaire ;

  • victimes de harcèlement scolaire ;

  • à haut potentiel ;

  • dont la famille est sur les routes pour raisons professionnelles ou par choix ;

  • porteurs de handicap, etc.

Dans ce dernier cas, l’IEF n’est pas toujours un choix délibéré, mais la seule solution face au manque de place en établissement spécialisé, à une inclusion rendue impossible en raison du manque de personnel affecté par la MDPH, etc.

L’intérêt de l'IEF pour les enfants à besoins spécifiques, c’est d'offrir :

  • un cadre rassurant et sécurisant, où l'enfant peut s'épanouir sans la pression ou les contraintes d'un système scolaire traditionnel ;

  • un environnement et un enseignement adaptés aux difficultés de concentration de l’enfant, à son besoin de bouger, etc. L’IEF peut être un tremplin pour les enfants porteurs de TDAH. Ils prennent le temps de comprendre leur fonctionnement avant éventuellement de rejoindre quelques années plus tard le système scolaire traditionnel. 

Pourquoi choisir l'instruction en famille plutôt que l'école classique ?

Cadre réglementaire : qui peut faire l’instruction en famille ?  : 

L'instruction en famille (IEF) en France est confrontée à des défis réglementaires significatifs, qui ont évolué au fil du temps. Ils impactent directement les familles qui choisissent cette voie éducative. Kelly Lambert partage son expérience et son regard sur ces changements. Elle offre un aperçu des problématiques actuelles.

Évolution de la législation concernant l’instruction en famille en France

« Si je reprends l'historique, ça a commencé à changer pour moi en 2019... l'instruction auparavant était obligatoire à partir de 6 ans. Et elle est passée obligatoire à partir de 3 ans... en 2020, le président a annoncé qu'il voulait complètement interdire l'instruction en famille ». 

L’objectif clairement affiché du gouvernement était de lutter contre le séparatisme et de respecter au mieux les principes de la République.

Devant la levée de boucliers des familles concernées par l’IEF, un projet de loi a été voté et mis en place. Ces dernières années, il est donc bien possible de faire l'instruction en famille. Mais c'est sur demande d'autorisation. Cette évolution marque un tournant significatif, passant d'un système déclaratif à un système d'autorisation.

Elle rend le processus plus complexe et restrictif pour les familles… et beaucoup plus stressant

Difficultés rencontrées par les familles souhaitant pratiquer l’ief

La transition vers un système d'autorisation a engendré des difficultés notables pour les familles désireuses de pratiquer l'IEF. Comme le souligne Kelly, « même si les contrôles sont positifs, si la demande d'autorisation n'est pas acceptée, les familles ne peuvent pas continuer. » 

Les familles affrontent complexité et incertitude avec un cadre légal plus contraignant et moins prévisible. Il faut maintenant remplir un dossier assez lourd avec les certificats médicaux si le choix de l’IEF se fait pour raison de santé ou en réalisant un argumentaire expliquant le projet éducatif familial. Si ce choix est lié à des raisons professionnelles, il faut fournir les justificatifs. 

Chaque année, les familles sont soumises à un contrôle pédagogique qui valide les progrès et le niveau des enfants. Toutefois, les familles qui sont plus de 6 mois consécutifs à l’étranger et ne reviennent que ponctuellement en France (moins de 3 mois) ne sont plus soumises aux lois françaises. 

Kelly est ainsi installée au Canada avec sa famille. S’ils ont choisi de déclarer l’instruction en famille auprès des institutions canadiennes, ce n’était en rien obligatoire. Ils ne sont soumis à aucun contrôle. 

Comparaison internationale concernant la liberté d'instruction en famille

En regardant au-delà des frontières françaises, Kelly note des différences notables dans la législation sur l'IEF. 

« La France est devenue un des pays les plus stricts ».

Au Royaume-Uni, c’est autorisé avec plus ou moins de souplesse selon les régions. En Italie, le système est plutôt simple et de plus en plus suivi. Les examens annuels obligatoires doivent être réussis, mais peuvent tout simplement être repassés l’année suivante en cas d’échec. En Belgique, il faut fournir un plan de formation, passer les examens obligatoires, mais les familles ne rencontrent pas de difficultés majeures.

Il est vrai qu’en Allemagne, c’est interdit depuis 1938. Néanmoins, l’instruction n’est obligatoire qu’à partir de 6 ans contrairement à la France. Pour Kelly, la différence est importante : « pendant ses premières années de vie, l’enfant peut être avec sa famille et avoir le temps de grandir avant de devoir aller à l’école, comme c’était le cas avant 2019 en France. »

Au Canada, la situation est différente selon les provinces. Celle du Québec est la plus stricte avec déclaration et contrôles réguliers tout au long de l’année. En Ontario, là où se trouve Kelly, une simple déclaration facultative suffit. « Le gouvernement estime que vu qu’il ne soutient pas plus que ça les familles, qu’il ne donne pas de financement pour faire l’école à la maison, il n’a pas à mettre son nez là-dedans. » Il fait confiance aux familles dans le fait qu’elles vont faire le nécessaire pour l’instruction de leurs enfants. 

Comment organiser l'instruction en famille ?

L'organisation de l'instruction en famille (IEF) requiert une réflexion approfondie sur:

  • les pédagogies adoptées;

  • la légitimité des parents en tant qu'éducateurs ;

  • la gestion du quotidien ;

  • l'intégration sociale. 

Kelly Lambert livre un aperçu précieux de son expérience. Elle explique comment elle aborde ces différents aspects avec ses enfants.

Choix des pédagogies en ief: diversité et adaptation

Lorsqu’elle a débuté l’instruction en famille, Kelly avoue avoir eu peur de ne pas y arriver. Elle ne se sentait pas légitime. Elle a donc suivi une formation à la pédagogie Montessori.  Cela l’a beaucoup aidé, notamment en termes de posture à adopter. Elle a également investi dans le matériel, aujourd’hui resté majoritairement en France. Elle mixe au quotidien plusieurs approches :

  • la pédagogie Montessori dont elle a surtout gardé tout ce qui a trait à l’attitude d’éducatrice ;

  • la pédagogie par la nature ;

  • la pédagogie Charlotte Mason.

« Finalement, c’est comme du unschooling, on suit les intérêts de l’enfant. On ne va pas imposer des choses, on va les accompagner en fonction de ce qu’on observe. Et si on perçoit une appétence particulière pour un sujet, à ce moment-là, on va mettre dans l’environnement de l’enfant le nécessaire pour qu’il puisse le développer autant qu’il en a envie ». C’est aussi un moyen pour introduire un sujet qui l’intéresse moins. L’enfant peut ainsi aborder tout ce qu’il est censé acquérir comme concept. 

Kelly utilise également des supports d’enseignement, fournis par des associations comme Pass-Education.

À noter que c’est en suivant les intérêts de sa fille pour les lettres, dès 2 ans et demi, que son aînée a su lire très tôt

Gestion du quotidien en ief : flexibilité et apprentissage intégré

Concernant la gestion quotidienne, Kelly explique qu’il n’y a pas vraiment de journée type.  : « Il va y avoir des journées où on va vraiment se poser et prendre le temps d'étudier de manière « classique », mais ça ne va pas être toute la journée. » 

L'IEF offre la liberté d'adapter chaque journée aux besoins d'apprentissage et aux intérêts des enfants, incorporant des activités formelles et informelles, ainsi que des sorties éducatives.

Intégration sociale et activités extérieures en ief

Quant à l'intégration sociale, Kelly déconstruit le mythe de l'isolement : « Il y a énormément de sorties qui sont organisées, ça peut être des sorties culturelles, dans des musées ou des sorties dans la nature... C'est l'avantage d'être plusieurs familles. » 

Les enfants instruits en famille ont de nombreuses occasions de se socialiser et d'apprendre dans des contextes variés. Plusieurs rencontres avec d'autres familles pratiquant l'IEF sont organisées. Il peut s’agir de visites de musées, d’activités et projets communautaires, etc. Même en étant à l’étranger, ce type de rencontres a lieu plusieurs fois par semaine. 

Bien que Kelly ne mentionne pas spécifiquement d'études scientifiques dans son témoignage, elle souligne un point crucial souvent appuyé par la recherche : les enfants instruits à la maison ne manquent pas de compétences sociales. En effet, des études ont montré que ces enfants peuvent même présenter des niveaux de socialisation équivalents ou supérieurs à leurs homologues scolarisés traditionnellement, grâce à une diversité d'interactions sociales et à des opportunités d'apprentissage social plus personnalisées.

L'organisation de sorties et d'activités en groupe joue un rôle clé dans l'expérience sociale des enfants de Kelly. Ces moments permettent non seulement l'apprentissage et l'exploration mais favorisent également le développement de compétences sociales dans un cadre bienveillant et inclusif. Kelly décrit des rencontres où « les enfants peuvent passer une journée entière à jouer en étant des dizaines d'enfants d'âges différents et il n'y a pas de conflit », illustrant ainsi la capacité des enfants à interagir harmonieusement et à apprendre les uns des autres dans un environnement diversifié.

La réintégration du système scolaire après l’ief est-elle possible et facile ?

L'une des préoccupations majeures des parents qui choisissent l'instruction en famille (IEF) est l'avenir scolaire et professionnel de leurs enfants. Comment s'assurer que ces enfants pourront s'intégrer dans le système scolaire traditionnel si nécessaire ? Quelles sont les perspectives d'accès aux études supérieures et au marché du travail ? 

Kelly Lambert aborde le sujet de l'orientation scolaire et de la réintégration potentielle dans le système scolaire traditionnel : « en France par exemple, il est tout à fait possible de passer son brevet et son bac en candidat libre. Il est tout à fait possible d'accéder aux études supérieures même si on n'a pas été à l'école ». 

Avec une préparation adéquate, les enfants instruits en famille peuvent non seulement réussir les examens officiels, mais également poursuivre des études supérieures. Les affirmations concernant les difficultés potentielles d’adaptation des enfants instruits en IEF au système scolaire traditionnel ne sont que des préjugés. Les enfants instruits en famille ne sont pas moins capables de s'adapter aux exigences académiques traditionnelles.

Si l’enfant souhaite poursuivre ses études supérieures dans un établissement qui demande un dossier avec des notes, il est possible de suivre l’enseignement à distance avec le CNED. L’élève dispose ainsi d’un dossier conforme aux exigences dudit cursus. 

L’instruction en famille vous tente mais vous vous posez encore des questions, retrouvez Kelly Lambert sur son compte Instagram, Vagues d’amour et son blog sur la parentalité et l’instruction en famille.

Références : 

Montessori partout et pour tous - En famille et à l’école, Sylvie d’Esclaibes, Balland, 2018

Le guide Hachette de la pédagogie Montessori - L’ouvrage complet pour comprendre et appliquer la pédagogique au quotidien, Sylvie et Noémie d’Esclaibes, Hachette Pratique, 2018

L’école du dehors - L’éducation par et dans la nature, Cindy Chapelle, Plume de Carotte, 2022


Les liens sur les livres sont affiliés auprès de Decitre. Le livre n’est pas plus cher pour vous, mais il permet de percevoir une petite commission pour Les Adultes de Demain. Cela nous aide à continuer ce partage de contenus.

Nos réseaux sociaux :

Notre site web : https://www.lesadultesdedemain.com/

Instagram : https://www.instagram.com/lesadultesdedemain/

Facebook : https://www.facebook.com/lesadultesdedemainpodcast

Nous écouter

Apple podcast : https://podcasts.apple.com/fr/podcast/les-adultes-de-demain/id1498741069

Spotify : https://open.spotify.com/show/2ZWIN9YMWh2FySlssutoK1

Deezer : https://www.deezer.com/fr/show/859442#:~:text=Les%20Adultes%20de%20Demain%20est,si%20inspirant%20de%20sa%20m%C3%A8re.

Pour nous soutenir, n’hésitez pas à nous laisser vos avis sur Apple Podcast ou Spotify et abonnez-vous à notre chaîne Youtube pour ne plus rater aucun épisode !

Précédent
Précédent

Carence affective chez l’enfant, quel impact ? avec Boris Cyrulnik #186

Suivant
Suivant

Aider les enfants à comprendre le numérique avec Amélia Matar #184