La petite enfance, une priorité trop oubliée avec Stephan Lipiansky #203

Le développement de la petite enfance, c’est ce continuum d’apprentissages de la naissance aux 6 ans de l’enfant. Or, ces premières années de vie sont souvent considérées comme une simple période de transition. Pourtant, comme le souligne Stephan Lipiansky dans son étude pour le think tank Vers le Haut, la petite enfance est un âge d'une richesse extraordinaire. C’est une période marquée par une croissance cérébrale et sensorielle rapide.

Malgré les découvertes récentes qui révèlent à quel point ces premières années sont fondatrices pour l'avenir des enfants, la petite enfance reste fréquemment oubliée dans les politiques publiques et le discours médiatique. Pourquoi cette négligence ? Comment repenser l'éducation et l'accompagnement des jeunes enfants pour qu'ils puissent grandir et s'épanouir pleinement ? Quels sont les défis éducatifs de la petite enfance et les propositions du groupe de réflexion Vers le Haut ?

Comprendre le développement de la petite enfance

Pourquoi la petite enfance est-elle une période de vie si importante ?

La petite enfance est souvent perçue de manière réductrice comme une période de simples soins et de croissance physique. Or, «  Ce n’est pas juste un grand vide pour l’enfant, dans lequel on a un bébé qui mange, qui dort et qui attend de devenir enfant, un vrai enfant. » C’est une image qu’il faut déconstruire.

Selon Stephan Lipiansky, cette phase est « un âge vraiment très riche pour l'enfant en termes de perception sensorielle et de développement ». C’est un moment où l’enfant construit activement sa relation avec le monde qui l’entoure. Et il comprend beaucoup plus de choses qu’il ne peut en exprimer. C’est pourquoi il est important de lui parler et d’interagir avec lui.

Cette période est marquée par une croissance rapide et une plasticité cérébrale qui n'a pas d'équivalent à d'autres moments de la vie. « Le cerveau du petit enfant est en croissance exponentielle », souligne-t-il, ce qui signifie qu'il est particulièrement réceptif aux stimuli et aux expériences qui façonnent son développement physique, cognitif et socio-émotionnel.

Par ailleurs, contrairement à l'idée répandue qui limite la petite enfance aux trois premières années de vie, idée sans doute liée à la façon dont le parcours de l’enfant est découpé, Stephan Lipiansky rappelle que la petite enfance ne s’arrête pas aux 3 ans de l’enfant, mais s’étend au-delà de cet âge, jusqu’à ses 6 ans.

Développement de la petite enfance

Crédit photo : Daniela Dimitrova Pixabay

Quels sont les grands stades de développement de 0 à 6 ans ?

Les stades de développement de la petite enfance se déroulent sur plusieurs plans – moteur, langagier, cognitif, et socio-émotionnel – chacun jouant un rôle fondamental dans la formation de l'individu.

Plutôt que d’étapes, Stephan Lipiansky aime attirer l’attention sur le continuum auquel on assiste, ces apprentissages qui s’ajoutent les uns aux autres.

« On se rend compte que c’est une vraie séquence continue où finalement, ce qu’on va lui demander en maternelle s’appuie beaucoup sur ce qu’il va pouvoir développer avant. »

André Stern évoque aussi cette continuité dans l’épisode passionnant sur l’enthousiasme de l’enfant. Il dit : « tu restes dans le continuum du devenir humain, qui s'étend de la naissance à la mort […] tu as une pâte souple, pleine de circonvolutions, dans le continuum. […] La croissance est un continuum ».

  • Ainsi, sur le plan moteur, l'enfant apprend progressivement à bouger, à marcher, à manipuler des objets, et chaque étape nécessite des expériences spécifiques adaptées

  • En parallèle, sur le plan cognitif, dès l'âge d'un an, l'enfant commence à relier ses expériences à ses émotions

  • C’est aussi durant cette période que l’enfant développe des compétences essentielles, telles que « la capacité de mobiliser des connaissances appropriées, de passer d'une activité à une autre facilement », capacités qui se développent dès 2 ans et qui seront utilisées lorsqu'il deviendra élève.

  • Son développement socio-émotionnel se manifeste à travers la prise de conscience des autres enfants, la coopération, le partage et la compréhension des conséquences de ses propres actions, des réactions des autres, de leurs émotions et de ses propres sentiments. Cette dimension du développement devient particulièrement visible à partir de l'âge de trois ans, lorsque l'enfant « prend conscience de l'autre, des autres enfants », et apprend à interagir avec eux.

  • Quant au langage, son développement commence bien avant que l’enfant ne prononce ses premiers mots. C’est pourquoi il est important de parler aux bébés, y compris quand ils ne sont pas encore capables de répondre. Dès qu’il est un fœtus, l’enfant commence à distinguer le langage, à réagir aux sons, à apprendre grâce à l'interaction avec son environnement. Stephan Lipianski cite d’ailleurs à ce sujet le livre d’Alison Gopnik, Le bébé philosophe

Ce temps de la petite enfance est donc critique pour établir les fondations de compétences qui seront utilisées tout au long de la vie.

La petite enfance ne peut être réduite à des ruptures entre différentes étapes. Chaque compétence acquise s’appuie sur celles développées précédemment. Comprendre cette séquence continue permet de mieux accompagner l’enfant dans son développement global, et de mettre en place des stratégies éducatives adaptées à chaque stade de son évolution.

Quels sont les besoins fondamentaux du jeune enfant ?

Le méta-besoin du petit enfant : la sécurité

Dès les premiers jours de la vie, les jeunes enfants ont des besoins fondamentaux, qui forment la base de leur développement global. Parmi eux, le besoin de sécurité est souvent décrit comme un « méta-besoin », un besoin supérieur qui conditionne tous les autres. Comme le souligne Stephan Lipiansky, « c’est seulement lorsque ce besoin est assouvi que l’enfant peut satisfaire ses autres besoins. »

La sécurité s’entend ici de plusieurs manières : 

  • sécurité physique, bien sûr ;

  • mais aussi sécurité émotionnelle et sociale

Un enfant qui se sent en sécurité est plus disposé :

  • à explorer le monde qui l’entoure ;

  • à interagir avec les autres ;

  • et à développer une estime de soi positive

« Les enfants qui ne se sentent pas sécurisés ne s'autorisent pas à explorer. Du coup, ils vont être aussi freinés dans leurs possibilités de développement », explique Stephan Lipiansky.

Exploration, valorisation, estime de soi et repères : des besoins essentiels de la petite enfance

Au-delà de la sécurité, les enfants ont également besoin d’explorer leur environnement, de se sentir valorisés et de disposer de repères clairs

  • Le besoin d'exploration est central : c'est à travers l'exploration que l'enfant développe ses compétences motrices, cognitives et sociales. « L’enfant a besoin d'expérience, d'explorer½, rappelle Stephan Lipiansky. Mais il ne peut le faire que s'il se sent en confiance et sait que, « en cas de problème, il peut retourner vers l'adulte. »

  • L'estime de soi est aussi essentielle pour le jeune enfant. Elle se construit à travers les interactions avec les adultes qui l'entourent, les encouragements et la reconnaissance et valorisation de ses réussites. 

  • Enfin, l'enfant a besoin de repères, de règles qui lui donnent un cadre sécurisant pour évoluer et comprendre le monde.

Quel environnement pour le développement de la petite enfance ?

Pour le développement optimal des jeunes enfants, il ne suffit pas de disposer d’un environnement matériel adapté ; cet environnement doit être enrichi par la présence et l’accompagnement d’adultes bienveillants et compétents. Stephan Lipiansky souligne que, dans la première année de vie, « l'enfant a besoin surtout d'être avec ses parents et de travailler cette relation ». L’environnement idéal évolue ensuite vers des lieux où l’enfant peut s’épanouir tout en recevant l’accompagnement nécessaire de la part d’adultes formés et attentifs.

Que l'enfant soit à la maison, en crèche ou chez une assistante maternelle, l'essentiel est que le lieu dans lequel il évolue soit sûr, salubre et propice à des expériences enrichissantes adaptées à ses besoins spécifiques

Cependant, comme l'indique Stephan Lipiansky, se focaliser uniquement sur le lieu physique revient à « rater une partie des choses », car la qualité de l’accompagnement adulte est tout aussi importante. Un espace bien équipé peut sembler idéal, mais sans un encadrement attentif et formé, les bénéfices pour l'enfant restent limités.

Quels sont les défis du développement de la petite enfance ?

Des parents noyés et isolés

Le rôle des parents dans l’éducation de leurs enfants durant la petite enfance est fondamental, mais il est souvent marqué par de multiples défis. Stephan Lipiansky souligne que l'un des principaux obstacles rencontrés et évoqués par les parents est le manque de temps. Ce constat interroge non seulement l'organisation de la vie professionnelle, mais aussi les réseaux de soutien familial et communautaire qui peuvent faire défaut. Car comme l’a expliqué Boris Cyrulnik dans l’épisode sur la carence affective, il faut un village autour des jeunes mères

En plus du manque de temps, de nombreux parents expriment une grande méconnaissance des besoins spécifiques de leurs enfants. Ils se sentent « relativement mal informés sur les étapes du développement de l'enfant, sur ce qu'il faut faire à la maison pour l'accompagner. »  

C’est d’ailleurs un point qu’évoque Isabelle Filliozat dans l’épisode sur l’éducation positive.

Ce déficit d'information peut être exacerbé par l'isolement que ressentent certains parents, notamment après la naissance de leur enfant. Comme l’illustrent les propos d’une jeune maman, recueillis dans le cadre du podcast de Vers le Haut, jeunes et brillants : « pendant la grossesse, on est super encadré, on a des rendez-vous tout le temps, etc. Et puis, une fois qu'on retourne à la maison, on se trouve un peu tout seul. »

Pour en revenir à ce manque criant d’informations adaptées, selon une enquête évoquée par Stephan Lipiansky, environ 60 % des parents disent qu'ils se sentent mal informés lorsqu'il s'agit de l'éducation de leurs enfants. Et beaucoup ne savent pas vers quelles structures se tourner en cas de difficulté. Cette confusion est accentuée par l'absence d'une culture du conseil accessible en France. Les parents se demandent souvent si les professionnels, qu'ils perçoivent parfois comme des fonctionnaires, sont vraiment là pour les aider ou pour les juger.

Ainsi, bien que les parents essaient parfois de profiter des rares moments de contact avec des professionnels, comme les rendez-vous médicaux, ces occasions ne sont pas toujours propices à des échanges approfondis. Les pédiatres et médecins disposent de peu de temps pour répondre à toutes les questions sur le développement de l’enfant. 

De plus, il existe une confusion fréquente entre les différents rôles des professionnels de santé et de la petite enfance, comme les infirmières puéricultrices et les assistantes sociales, ce qui ajoute à la méfiance et à l'incertitude.

Pour pallier ces difficultés, certaines initiatives se développent pour apporter du soutien directement là où se trouvent les parents. Par exemple, des associations comme Pas à pas, L'enfant proposent des ateliers en crèche, donnant aux parents des outils pratiques pour l'éveil de leurs enfants. D'autres, comme Papoto, parentalité pour tous, visent à informer les parents sur le développement du jeune enfant, en se rendant dans des lieux fréquentés par les familles, comme les écoles, les PMI (protection maternelle et infantile), ou encore des espaces d'accueil pour les familles les plus démunies. 

Des professionnel·les de la petite enfance au rôle sous-estimé

L’importance des professionnel·les de la petite enfance est souvent sous-estimée, et leurs conditions de travail ne reflètent pas toujours la complexité de leurs missions.

« Les établissements d'accueil des jeunes enfants sont fréquemment dénoncés comme étant assez peu favorables pour l'enfant, parce qu'effectivement, il n'y a pas suffisamment d'adultes par rapport au nombre d'enfants dont il faut s'occuper », constate Stephyan Lipiansky.

Pour assurer un encadrement éducatif de qualité, les taux d'encadrement devraient être meilleurs : actuellement, c’est 1 adulte pour 5 enfants qui ne marchent pas et 1 adulte pour 8 enfants marcheurs de moins de 3 ans. La plupart des experts estiment que ce ratio devrait être ramené à 1 adulte pour 4 enfants entre 0 et 3 ans.  

Quant à la formation des professionnels de la petite enfance, elle devrait être renforcée. Aujourd'hui, les formations de ces professionnels sont « encore bien trop tournées vers des aspects très sanitaires et pas assez ouverts sur le développement de l'enfant », selon Stephan Lipiansky. Une meilleure formation, qui inclurait davantage de connaissances sur le développement cognitif, émotionnel et social des enfants, permettrait aux éducateurs de jouer pleinement leur rôle de soutien dans le parcours éducatif des jeunes enfants.

La valorisation des métiers de la petite enfance est également un enjeu clé. À l'heure actuelle, ces métiers sont souvent « dévalorisés » sur le plan salarial et social, ce qui contribue à une crise de vocation dans le secteur. Mais pour Stephan Lipiansky, la revalorisation va au-delà de l’aspect purement financier.

« Il faut donner du sens à ces métiers-là, juste prendre conscience de l’importance de ces adultes dans le parcours des enfants. »

Ainsi, à Pistoia en Italie, « tous les professionnels de la petite enfance, de 0 à 6 ans, ont le même statut et accèdent à des formations étendues. » Il n’y a pas de séparation entre les professeurs de maternelle et les auxiliaires de puériculture. « Elles se considèrent toutes comme des aides essentielles dans le développement de l’enfant. »

Crise du système de garde en France : état des lieux et conséquences

Le système de garde en France traverse une crise profonde, marquée par un manque de places disponibles dans les crèches et une pénurie croissante de professionnels qualifiés. Comme le souligne Stephan Lipiansky, « aujourd'hui, 56 % des enfants sont gardés principalement par leurs parents. » Pourtant, selon les études, si les souhaits des parents étaient compatibles avec l'offre existante, cette proportion chuterait à 35 %. Ce déséquilibre révèle une demande non satisfaite et souligne les difficultés rencontrées par de nombreuses familles pour accéder à des solutions de garde adaptées.

Cette crise s'accompagne également d'un déclin des structures d'accueil alternatives, telles que les assistantes maternelles. « Quand des places en crèche s'ouvrent dans une zone géographique, cela a l'effet de détruire des places d'accueil en assistantes maternelles » explique Stephan Lipiansky. C’est un phénomène paradoxal qui relève de plusieurs facteurs :

  • En France, les crèches sont perçues comme le mode de garde privilégié ;

  • Les parents qui avaient une place chez une assistante maternelle, se ruent à la crèche dès qu’ils obtiennent une réponse positive :

  • Les autres familles, généralement démunies financièrement et peu à l’aise avec les démarches administratives, se tournent encore moins vers les assistantes maternelles que vers les crèches. Pourtant, il a pu être démontré que l’environnement crèche avait des effets positifs, notamment sur les enfants issus de familles « moins favorables sur certains aspects du développement, notamment sur la question du langage, de la motricité… ».  Ces familles vulnérables ont des difficultés à accéder au mode d’accueil des crèches, vu qu’elles candidatent moins en raison de démarches administratives complexes pour elles. C’est un des facteurs d’isolement d’une partie des parents. Ces familles intègrent plus facilement ce mode de garde lorsqu’elles sont accompagnées par des services sociaux ou associations.

Il n’en reste pas moins qu’il y a aujourd’hui un vrai déficit de places en crèche et même au niveau des assistantes maternelles, dont une bonne proportion ne sera plus en activité dans les années à venir, sans assurance qu’elles soient remplacées. Cela viendra se rajouter au problème de la capacité d’accueil en crèche. C’est pourquoi, pour Stephan Lipiansky, il y a urgence que la petite enfance soit considérée comme une priorité et un réel enjeu de politique publique. 

Emmanuelle Duez, dans l’épisode 213, appelle également à politiser l’enfance et à remettre au centre du débat les enfants, acteurs majeurs de la société de demain.

Comment faire du développement de la petite enfance, une priorité ?

Sortir d’une vision adultocentrée sur la petite enfance

La petite enfance est souvent reléguée au second plan, principalement en raison d'une vision centrée sur les besoins des adultes. Stephan Lipiansky explique que la préoccupation principale qui entoure le jeune enfant est de « s'en occuper pour libérer les adultes de leurs obligations parentales, afin qu'ils puissent retourner au travail ou s'adonner à des occupations d'adultes. »

Cette approche adultocentrée fait de l'enfant un objet de gestion, plutôt qu'un sujet à part entière, avec ses propres besoins et droits.

Cette vision se manifeste également par une impatience à voir l'enfant entrer dans le système scolaire. Stephan Lipiansky observe que l’on considère souvent l’enfant comme un futur élève, et que « nous sommes pressés qu'il mette son cartable sur le dos et se rende à l'école. » Ainsi, tant qu’il n’a pas atteint l’âge de l’école maternelle, l'enfant est perçu comme « pas encore vraiment intéressant » du point de vue éducatif. 

Cette perception biaisée néglige les besoins éducatifs spécifiques de la petite enfance et contribue à leur marginalisation dans le discours public et les politiques.

Intéresser la société à la petite enfance

Au-delà de cette vision adultocentrée, il existe un désintérêt historique pour la petite enfance, désintérêt profondément ancré dans notre société. 

« Quand on analyse les problématiques autour du jeune enfant, on les analyse par deux prismes qui ne sont pas évidents » explique Stephan Lipiansky : celui des besoins des adultes et celui de l’enfant comme futur élève. Ce désintérêt s'inscrit dans une longue tradition où l'enfance a souvent été perçue comme une période insignifiante ou un simple prélude à la vie adulte.

Stephan Lipiansky évoque également que cette marginalisation trouve ses racines dans l'histoire de la modernité, où « l'enfant a été longtemps un des oubliés » dans la pensée et la pratique. Il souligne que la problématique des droits de l'enfant est relativement récente et reflète un changement de regard qui peine encore à s'imposer. Ce retard historique se traduit par une faible prise en compte des besoins et des droits des enfants dans les débats publics et dans les politiques sociales.

Ce désintérêt se perpétue aujourd'hui par le fait que l'éducation et la petite enfance restent des sujets secondaires dans l'agenda politique. Stephan Lipiansky remarque que, « quand on regarde vraiment les enquêtes sur les enjeux prépondérants, l'éducation est très loin derrière des sujets comme le pouvoir d'achat ou l'immigration. » Cette marginalisation reflète un manque de compréhension de l'importance cruciale des premières années de vie pour le développement global de l'enfant et pour l'avenir de la société.

Stephan Lipiansky conclut donc en souhaitant que les adultes aujourd'hui se disent que ce qu'ils peuvent faire de mieux pour les adultes de demain, c'est peut-être de faire remonter un peu plus haut les préoccupations qu'ils ont pour le développement de la petite enfance, l'enfance, l'éducation et la jeunesse dans les préoccupations collectives.

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