Les Adultes de Demain

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Aider les enfants à comprendre le numérique avec Amélia Matar #184

Amélia Matar est la co-fondatrice de Colori, une entreprise qui initie les enfants dès le plus jeune âge aux nouvelles technologies… et sans écran ! Dans cet épisode de podcast, Amélia explique comment son équipe mène l’éducation des enfants au numérique à travers des ateliers d’inspiration Montessori. Elle revient aussi sur l’importance d’aider les enfants à comprendre les nouvelles technologies. Elle donne également son avis sur l’impact des écrans. Retour sur quelques points clés de cette indispensable éducation des enfants au numérique.

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L'éducation des enfants au numérique avec Colori

Bien que passionnée de nouvelles technologies depuis son enfance, Amélia Matar a d’abord fait des études de lettres, avant de retourner à sa passion initiale. Elle est fascinée par la révolution numérique, celle qui façonne nos vies, redéfinit notre façon d’être au monde, de communiquer. 

Mais c’est finalement lorsqu’elle devient maman qu’elle constate le manque de supports pour les jeunes enfants, pourtant déjà très utilisateurs de technologies dès le plus jeune âge. Elle est déstabilisée par le fait qu’il n’existe aucun repère à leur partager sous forme de jeux, de ressources ludiques et pédagogiques de manière à développer leur esprit critique, leur compréhension. Elle nourrit alors l’objectif d’en faire des utilisateurs plus éclairés du numérique

Colori accompagne les enfants dans leur compréhension du numérique 

Elle cofonde Colori, entreprise qui prépare les plus jeunes enfants aux transformations technologiques. Avec son équipe, elle relève le défi d’initier les enfants au numérique, sans écran, à l’aide d’activités d’inspiration Montessori, qui permettent de manipuler des concepts informatiques. Et ce, dès l’âge de 3 ans !

Ces ateliers sont en effet conçus pour être accessibles dès la maternelle. Ils visent à développer une compréhension profonde de ce qui se cache derrière les écrans et les appareils que nous utilisons quotidiennement.

Enseigner les nouvelles technologies sans écran peut sembler relever d’une mission impossible. Pourtant, en partant d’un conte, qui aborde des concepts tels que les algorithmes, puis en proposant des activités manuelles et des jeux, les enfants approchent de manière concrète et tactile les nouvelles technologies.

Avec Colori, les enfants manipulent pour comprendre le numérique

Les ateliers proposés par Colori sont conçus pour engager les enfants dans une exploration ludique des fondements du numérique. Pour cette initiation, tout commence par un conte, lu aux enfants et qui met en scène un petit garçon et une petite fille qui vont vivre plein d’aventures. 

Au gré de ces aventures, les enfants vont comprendre, via la narration, ce qu’est un algorithme, à savoir une suite d’instructions précises en vue d’accomplir une tâche ou de résoudre un problème. L’objectif est d’amener les enfants à saisir le fonctionnement logique de l’algorithme, dont les origines remontent à l'Antiquité. 

Des jeux de cartes vont ensuite leur permettre de se programmer les uns les autres. Ils vont également pouvoir programmer un petit robot, sélectionné parmi tous les robots éducatifs qui existent. L’équipe de Colori en a choisi un particulièrement adapté aux tout-petits. 

La découverte des algorithmes se poursuit à travers des découpages, collages, coloriages. Les enfants seront invités à colorier à partir d’un petit code. C’est une sorte de petit code informatique très simplifié, dont il va falloir comprendre le fonctionnement pour parvenir à réaliser le coloriage. 

La notion de pixels est abordée avec des gommettes, des mosaïques, avec des dessins à reproduire à partir de codes composés de 1 et de 0. 

Un des modules concerne la grande Histoire qui a conduit à toutes ces avancées technologiques. L’objectif est d’enrichir la culture générale des enfants, de faire connaître les figures célèbres qui ont contribué à la discipline et notamment les femmes. 

Un dernier module incite les enfants à s’interroger sur les aspects responsables du numérique : comment faire pour que le numérique soit un levier de développement ? Comment peut-il permettre à l’humanité de progresser positivement et ne pas entraver le vivre ensemble ?

Pour vous faire une idée plus précise du type d’activités proposées, vous pouvez télécharger des ressources gratuites.

Colori s’inspire de l’approche Montessori pour concevoir ses ateliers

Lors de ces ateliers, comme dans l’approche Montessori, les enfants s’appuient sur des autocorrections. Ils n’ont ainsi pas besoin de se référer constamment à l’adulte pour savoir s’ils ont juste ou non. L’ensemble de ces activités développe de fait de nombreuses autres compétences scolaires, mais également psychosociales, comme ici l’autonomie, la confiance en soi

Amélia Matar a découvert la pédagogie Montessori quand elle est devenue maman. Les écrits de Maria Montessori l’ont bouleversée : « cette femme était absolument visionnaire sur l'enfance, son développement. Et aujourd'hui, il y a beaucoup d'études scientifiques qui montrent que ce qu'elle pensait était effectivement très juste ». Amélia s’est d’ailleurs formée et est assistante Montessori 3-6 ans. C’est donc tout naturellement qu’elle a souhaité s’en inspirer afin de créer des ateliers adaptés à la fois aux tout-petits et aux plus grands. 

Ainsi, outre l’intégration de l’autocorrection, elle a porté une attention très particulière au matériel, à l’esthétique des activités. Elle a fait en sorte que ce soit beau, réalisé avec des matériaux nobles, que l’enfant ait véritablement envie d’aller vers les activités. 

Par ailleurs, même si cela n’est pas toujours aisé à mettre en place dans les centres de loisir, l’environnement doit être préparé le plus possible. Il est organisé en amont de sorte que les participants puissent se repérer. D’atelier en atelier, ils savent chaque fois un peu mieux comment ça fonctionne. Ils ont repéré où sont positionnées les différentes activités. 

Celles-ci peuvent ainsi être en libre accès et les enfants, comme dans la pédagogie Montessori, choisissent librement l’activité qu’ils vont réaliser pendant les ateliers. Cela demande parfois un peu d’adaptation, en fonction du contexte, mais l’objectif est de favoriser au maximum la motivation endogène de l’enfant. C’est plus efficace en termes d’apprentissage. 

L'importance de l'éducation des enfants au numérique dès le plus jeune âge

L’éducation au numérique ne risque-t-elle pas d’accroître l’usage des écrans chez les enfants ?

Il est arrivé que certains émettent des réserves quant à cette éducation au numérique dès le plus jeune âge. Leur crainte ? Que cela ne donne encore plus envie aux enfants d’être sur des écrans.

Amélia Matar explique que Colori n’est pas du tout dans une promotion de l’usage des écrans : « on est véritablement dans une démarche presque philosophique d’invitation de l’enfant à se questionner, à se mettre en posture de penseur vis-à-vis du sujet ». « Et si on fait la promotion d’une consommation plus éclairée, tant mieux », explique-t-elle.

Les défis de l'intégration du numérique dans l'éducation des enfants 

Beaucoup de familles expriment un certain désarroi par rapport notamment à la gestion des écrans avec les enfants. Ils observent leurs adolescents collés toute la journée à leur téléphone et sont désemparés. 

Pour Amélia Matar, le sujet des écrans est complexe et « il faut vraiment éviter d’aller dans l’écueil de la vision simpliste, parce que le numérique est très dual ». 

Il peut à la fois effectivement être nocif, quand on est dans une posture, un usage inapproprié, excessif de surexposition. 

Mais il peut aussi s’avérer très positif et participer aux apprentissages, quand il permet, par exemple, de personnaliser les apprentissages, de permettre aux enfants avec certains troubles de bénéficier d’une différenciation adéquate. 

Et surtout, pour Amélia,  « les usages excessifs, inappropriés sont un symptôme avant d'être une cause ». Quand on observe ce phénomène de surexposition, on se rend compte que :

  • soit ce sont des enfants qui présentent un trouble qui fait qu’on les expose davantage, parce qu’ils sont plus compliqués à gérer ;

  • soit que le contexte socio-économique de l’enfant est à questionner. 

« Je ne crois pas qu’on puisse aujourd’hui élever nos enfants dans un monde complètement vierge de technologie. Et ce serait très dommage parce qu’en fait, la technologie, c’est aussi plein d’opportunités d’apprentissage pour nos enfants », renchérit-elle. 

Un usage des écrans par les enfants, à analyser et équilibrer

Amélia Matar invite les parents à se questionner eux-mêmes sur leurs propres usages. Elle avoue elle-même avoir une bonne marge de progrès par rapport à ça. Parmi tous les aspects négatifs du numérique, elle relève cette surconsommation que l’on fait même en tant qu’adulte. Parfois parce que c’est notre travail, qu’on a des notifications, qu’on a peur de ne pas être au courant des dernières actualités avec ce phénomène de FOMO, Fear Of Missing Out. Or l’enfant apprend par mimétisme, particulièrement du parent. 

Certains youtubeurs s’avèrent être particulièrement intéressants, parlant d’Histoire, de mathématiques, de philosophie, de sciences… En communiquant avec nos enfants, on peut un peu réorienter la consommation vers des contenus plus enrichissants qu’un Tik-Tok de 3 secondes. 

De la même façon, jouer à des jeux vidéo n’est pas forcément nocif. Cela peut même être intéressant d’un point de vue cognitif. Et cela peut être l’occasion de passer un bon moment en famille en jouant ensemble. Tout est une question d’équilibre. 

Une éducation des enfants au numérique qui développe des compétences scolaires et psychosociales

Avec plus de 20 000 enfants formés, Colori se distingue comme un modèle de réussite dans le domaine de l'éducation numérique précoce. 

Aujourd’hui, ce sont 32 ateliers, qui opèrent une véritable magie sur les enfants. L’équipe de Colori est plus que jamais motivée par cette approche de sujets, tels que les écrans, la technologie, qui intéressent les enfants parce qu’ils constituent leur environnement. 

Beaucoup d'enfants manifestent leur envie de renouveler une nouvelle année, même après 32 ateliers suivis. C’est un indicateur très positif des qualités des activités. Elles sont adaptées, plaisantes, épanouissantes pour les enfants.

Autres retours positifs, les personnes impliquées ont constaté une amélioration de « la capacité des enfants à développer une analyse, à adopter un esprit critique vis-à-vis de la question technologique, une posture de questionnement et de discernement technologique ». 

Enfin, les personnes qui se forment pour dispenser des ateliers observent que les activités proposées enrichissent les apprentissages fondamentaux chez les enfants : numération, repérage dans l’espace, développement langagier, etc. sont mobilisés. 

5 apports complémentaires apportés par Amélie Matar

  • Concernant les obstacles rencontrés pour entreprendre dans l’éducation : pour Amélia, le premier véritable obstacle, c’est à quel point une société, un pays, une culture investit ou non sur la question éducative. En France, on a une vraie marge de progrès en la matière. Récemment, Libération faisait un dossier sur la place des enfants dans l’espace public, sujet abordé également sur le podcast des Adultes de Demain avec Thierry Paquot.

    Pour Amélia, « cela en dit très long effectivement sur la vision qu'on a en tant que société des enfants et à quel point on sous-investit ce domaine malheureusement. Alors qu'on sait très bien, même d'un point de vue très trivial ou presque cynique de retour sur investissement, qu'investir dans l'éducation, c'est très profitable d'un point de vue économique à toute la société. Mais malheureusement, cette équation n'est pas tellement faite, dans les hautes sphères. On pourrait aller beaucoup plus loin en termes de ressources allouées aux enfants, aux enseignants et à toute la communauté éducative clairement ».

  • Toujours concernant l’entrepreneuriat, aux personnes qui souhaiteraient se lancer dans l’éducation, elle conseille de procéder par petits pas, de réfléchir à court terme et à très long terme en même temps. Si l’on a seulement en tête l’ambition d’être dans toutes les écoles, on peut se décourager. Il convient de garder cette vision, mais aussi de se dire : qu’est-ce que je fais concrètement la semaine prochaine et qui permettra à mon projet de naître ?

  • Par rapport à l’intelligence artificielle, elle rappelle que souvent, la peur vient d’une méconnaissance. Elle invite les personnes à s’intéresser au sujet, à regarder les opportunités que cela représente dans leur contexte professionnel. L’IA constitue un réel bouleversement des modes de travail, de la façon dont on apprend. Elle vient remplacer un certain nombre de tâches qui incombaient jusqu’à présent à l’humain. Freiner est contre-producteur. Il vaut mieux déconstruire sa peur, être dans une posture de compréhension et de curiosité. N’hésitez pas à lire l’article sur l’impact de l’IA et de ChatGPT sur l’éducation avec Bastien Masse.

  • Il a également été question du Safer Internet Day, un rendez-vous annuel de sensibilisation aux usages du numérique à destination des jeunes, des familles et de la communauté éducative. L’objectif est d'encourager les comportements responsables et positifs en ligne. En France, c’est Tralalère, avec Internet sans crainte qui porte le projet.  Il fut notamment question de sensibiliser les jeunes au fonctionnement des algorithmes en leur montrant comment en reprendre le contrôle et mieux maîtriser les contenus qui leur étaient donnés à voir.

  • Enfin, Amélia Matar a souhaité que les enfants aient l’occasion de développer leurs compétences psychosociales, telles que la confiance en soi, la capacité à coopérer, à perséver, à exercer leur esprtit critique afin de construire une société beaucoup plus douce, qui vivrait plus en harmonie avec la nature. Elle a à ce titre mentionné l’application Soft Kids de Solenne Bocquillon, qui permet aux enfants de s'exercer de manière ludique, sur tous ces domaines. 

Références : 

Ainsi naissent les mamans, Amélia Matar, Eyrolles, 2023

Mon grand cahier Montessori pour apprendre à coder, Amélia Matar, Larousse, 2020

Algorithmes, bientôt maîtres du monde, Aurélie Jean, La Martinière, 2023


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