Le mal-être des ados avec Anne-Claire de Pracomtal #164

Écrit par Angelique d'Esclaibes

Les données le montrent : le nombre d’ados en souffrance en France est en constante évolution. Peu de parents peuvent affirmer ne s’être jamais dit : « Mon adolescent va mal ». Pourquoi l’adolescence est-elle une période si particulière, pendant laquelle le jeune se sent si fragile, vulnérable et fort à la fois ? Comment l’aider à vivre cette transformation, ce passage vers l’âge adulte ? Comment détecter les signes du mal-être adolescent ? Autant de questions auxquelles Anne-Claire de Pracomtal, psychologue, spécialiste des adolescents et cofondatrice d’I am strong a répondu dans ce nouvel épisode des Adultes de demain. Elle partage son expertise pour guider parents, éducateurs et jeunes. 

État des lieux du mal-être des ados en France

Santé mentale des jeunes : un constat alarmant

Les chiffres concernant la santé mentale des jeunes parlent d’eux-mêmes. Ils sont en accélération depuis quelques années :

Le mal-être des ados est un sujet devenu de plus en plus prégnant dans l'actualité, abordant des thèmes tels que le harcèlement scolaire et la dépression chez les jeunes. 

Il est indéniable que les jeunes Français font face à une augmentation significative des troubles de santé mentale, une situation qui se traduit par une crise de confiance en soi généralisée. Les professionnels de santé observent également une hausse alarmante des niveaux d'anxiété, de stress, et de mal-être dans le contexte scolaire. 

Ados en souffrance : comment aider ?

Ados en souffrance : origines du mal-être des jeunes

La santé mentale des adolescents en France est devenue une préoccupation grandissante, et plusieurs facteurs contribuent à ce malaise. 

  • La fragilité psychique des adolescents a été exacerbée par les effets de la Covid-19 et des mesures de confinement. Parmi les facteurs ayant eu un impact significatif sur le bien-être émotionnel des adolescents, on peut citer :

    • la restriction de leur liberté ;

    • la solitude inhabituelle, ;

    • l'incertitude quant à l'avenir ;

    • les perturbations de leur éducation ;

    • ainsi que l'absence d'interactions sociales.

    De plus, la fermeture des écoles a perturbé leurs routines éducatives, suscitant des inquiétudes quant à la réussite scolaire et la pression liée aux examens. En outre, l'accès limité aux activités extérieures et sportives a contribué à la sédentarité, affectant également leur santé physique. 

  • Bien sûr, la Covid n’est pas la seule responsable de l’aggravation de la situation. Pour certains jeunes, ce fut un accélérateur de problèmes déjà présents, comme l’anxiété, l’angoisse, la démotivation, l’isolement. 

  • Par ailleurs, ces dernières années ont aussi été marquées par la hausse de l'utilisation des écrans, par les réseaux sociaux qui sont partout, jusque dans le lit des ados. Les contenus diffusés sur ces réseaux peuvent être très oppressants et peuvent, évidemment, perturber. Ils ont pareillement un impact sur leur bien-être et leur santé mentale.

  • Enfin, les adolescents sont naturellement sujets à une période de vulnérabilité en raison de la puberté, des changements hormonaux et des bouleversements cérébraux qui caractérisent l'adolescence.

Quels sont les changements inhérents à l’adolescence ? 

L'adolescence est caractérisée par des transformations majeures sur le plan physique, émotionnel et mental. Ces changements peuvent parfois être sources de souffrance chez les adolescents.

La puberté et les changements hormonaux de l’adolescence

L’adolescence, c’est la période de la puberté. La production hormonale est décuplée. Les filles produisent 20 fois plus d’œstrogènes. Les garçons affichent 50 fois plus de testostérone. Les conséquences sur leur apparence, leur comportement et leurs émotions sont non négligeables et parfois sources de détresse.

Les fluctuations hormonales peuvent provoquer des sautes d'humeur et de l'irritabilité. Les adolescents peuvent se sentir dépassés par ces changements, ce qui peut contribuer à leur mal-être. 

Par ailleurs, leur pic de mélatonine, l’hormone qui aide à l’endormissement, est décalé. Naturellement, physiologiquement, ils vont s’endormir plus tard et avoir des difficultés à se lever aux aurores pour aller en cours.

Pour les parents, savoir et reconnaître que ces réactions émotionnelles sont souvent dues à des transformations biologiques normales est essentiel. 

Un nouveau corps à aimer à l’adolescence

Le bouleversement est également corporel. L’adolescence est une période où l’on grandit, voire grossit, mais aussi maigrit, de manière spectaculaire. L'un des défis majeurs de l'adolescent est donc l'acceptation de son nouveau corps en pleine transformation. Les adolescents peuvent développer des préoccupations liées à leur image corporelle. Cela peut donner lieu à des obsessions, des rejets, des complexes.

Les pressions sociales, y compris les normes de beauté idéalisées véhiculées par les médias, peuvent renforcer ces préoccupations, voire cette souffrance de l’ado face à ses changements corporels. Alors qu’il faut au contraire aider ces jeunes à apprécier, aimer, apprivoiser progressivement leur nouveau corps. 

👂 Écoutez l’épisode avec Laelia Benoit sur l’infantisme, ces préjugés que l’on porte sur les enfants et les adolescents et ses propositions en termes d’éducation et de santé des jeunes.

Le bouleversement cérébral de l’adolescent

Les transformations physiques ne sont pas les seules en jeu. Les plus gros changements se jouent finalement au niveau cérébral. Un tiers des connexions neuronales se réorganisent. Le cortex préfrontal, zone du cerveau responsable de la prise de décision, de la planification et du contrôle des impulsions, est en pleine évolution. Cela peut expliquer pourquoi les adolescents peuvent prendre des risques, être influençables et parfois avoir du mal à évaluer les conséquences de leurs actions.

La dopamine, l’hormone du plaisir, connaît quant à elle un accroissement de son niveau. Ce phénomène explique que les adolescents puissent être particulièrement en recherche de sensations fortes. Évidemment, cette quête parfois un peu excessive est à surveiller, l’ado pouvant parfois se mettre en danger. 

La transformation psychologique de l’ado

L’adolescent crée de nouveaux liens d’attachement. Il se détache petit à petit de ses premiers liens, ceux noués avec ses parents pendant l’enfance, pour en investir de nouveaux, d’ordre amical et amoureux. Ce sont souvent des relations très fortes, tout à fait normales et qui préparent à l’âge adulte. Elles s’inscrivent dans la quête d’indépendance, tout à fait saine, de l’adolescent.

Comprendre l’ensemble de ces bouleversements naturels, peut aider les parents et les éducateurs, à mieux accompagner les adolescents dans leur développement. Il est important de se rappeler que ces transformations cérébrales contribuent à leur quête d'indépendance et à leur préparation à devenir des adultes responsables.

Consultez à ce titre l’article sur le premier chagrin d’amour adolescent, un épisode enregistré avec Florence Millot, sur les premières relations amoureuses et l’épisode avec Grégoire Borst, sur Apprendre à apprendre, qui conseille d’expliquer le fonctionnement du cerveau dès la maternelle, puis en continu, afin que les adolescents comprennent les bouleversements qu’ils vivent et puissent mieux naviguer dans cette période plutôt chamboulée.

Quels sont les signaux d’un ado en détresse ?

Anne-Claire de Pracomtal liste plusieurs signaux d'alerte à surveiller et à prendre en compte concernant la santé mentale de votre adolescent :

  • Des changements de comportement persistants : tout changement soudain dans le comportement de votre adolescent qui dure dans le temps devrait vous interpeller. 

    • Isolement social ;

    • Modification des habitudes de sommeil (insomnie…) ;

    • Troubles de l’alimentation (perte d’appétit, compulsions…) avec prise ou perdre de poids significative, etc.

  • Des absences scolaires répétées et un refus d'aller à l'école : votre adolescent commence à sécher l'école fréquemment ou manifeste un refus persistant d'y aller, c’est peut-être le signe de problèmes sous-jacents et d’un ado en souffrance. Consultez également à ce sujet l’article sur la phobie scolaire.

  • Une prise régulière d'alcool, de tabac ou de drogue : l'usage de substances nocives peut être le signe d’un ado en souffrance. 

  • Des changements d'humeur soudains : les sautes d'humeur vont de pair avec les modifications hormonales. Néanmoins, si celles-ci deviennent extrêmes ou inexpliquées, elles doivent vous intriguer.

  • Des idées noires.

  • De nouvelles fréquentations toxiques, etc.

Xavier Pommereau, psychiatre spécialiste des adolescents, qualifie ces signaux de comportement de rupture. 

Ces symptômes sont à observer selon plusieurs critères pour évaluer leur gravité :

  • leur précocité : plus un adolescent est jeune lorsqu'il manifeste ces signaux, plus ils doivent être pris au sérieux ;

  • leur cumul ;

  • leur intensité : il y a une différence entre ivresse et coma éthylique par exemple…

  • leur répétition : si ces signes ne sont pas isolés et s’inscrivent dans la durée, une vigilance accrue est nécessaire.

Peut-on prévenir les difficultés de l’adolescence ?

L'adolescence est une période de transformation importante. Mais il est possible de mettre en place des bases solides dès l'enfance, pour aider les adolescents à mieux traverser ces bouleversements et limiter le nombre d’ados en souffrance. Anne-Claire de Pracomtal insiste sur deux éléments clés pour prévenir les difficultés de l'adolescence :  la confiance et la communication.

Insuffler la confiance dès l’enfance

Pour inculquer la confiance à un enfant dès son plus jeune âge, Anne-Claire de Pracomtal explique que le meilleur cadeau que l’on puisse offrir à son enfant est de lui dire :

« J'ai confiance en toi. » 

Il est important de verbaliser cette confiance en lui, de lui dire qu'il a la capacité de réussir. Les compliments et la valorisation jouent également un rôle clé. 

Faites des compliments sur ses actions, son habillement, ses compétences. Renforcez ainsi son estime de lui-même. 

Plus un enfant a confiance en lui, plus il sera capable de faire face aux périodes de fragilité propres à l'adolescence.

A ce titre, Daphné Kauffmann explique comment l’art aide les jeunes et permet notamment de booster leur confiance.
Découvrez son interview dans laquelle elle parle notamment du tiers-lieu d’expression artistique pour les jeunes, les Ateliers 62.

Favoriser la communication ouverte dès le plus jeune âge

La communication est l’autre élément fondamental pour :

  • contribuer à la construction de fondations solides pour votre ado ;

  • créer un climat familial sain. 

Comment faire ? En encourageant une ambiance de communication ouverte, où la parole est libre et où vos enfants se sentent à l'aise de tout vous dire. 

Pour y parvenir, commencez par montrer l'exemple en parlant régulièrement, en partageant les bons moments tout comme les difficultés, les échecs et la manière dont vous les avez surmontés. Montrez ainsi qu'il est normal d'exprimer ses émotions et ses préoccupations. 

Favorisez également des moments de qualité avec vos enfants en dehors des contraintes scolaires, comme des balades, des sorties au cinéma, des activités sportives ou culturelles. Ces moments renforcent votre relation et permettent une communication plus fluide. Souvent, la parole se libère naturellement dans ces moments informels.

Mon adolescent va mal : quelles réactions avoir ?

Vous constatez que des signaux de mal-être de votre adolescent persistent dans le temps ? 

Anne-Claire de Pracomtal livre de précieux conseils pour faire face à cette situation et accompagner un ado en souffrance, en détresse.

Ado en souffrance : dédramatiser, mais ne pas banaliser

Les adolescents connaissent des moments difficiles. Dès qu'ils montrent des signes de mal-être, il ne faut pas paniquer, mais il ne faut pas non plus banaliser la situation. La souffrance de votre ado est réelle, et il a besoin d'aide. La première réaction doit être de dédramatiser la situation tout en reconnaissant que des problèmes existent. Il ne faut pas minimiser leurs sentiments, mais plutôt montrer de l'empathie.

Ado en détresse : demander conseils

Face à ces difficultés persistantes, il est essentiel de demander conseil. Interrogez l'entourage de votre adolescent, que ce soient des enseignants, des amis, des membres de la famille, son éducateur sportif, son professeur de musique, etc. C'est souvent en ayant un regard extérieur que l'on peut mieux comprendre la situation. Ne sous-estimez pas l'importance des conseils et du soutien de votre réseau personnel. Vous n'êtes pas seul·e dans cette situation.

Ado déprimé : se tourner vers des professionnels

Si les problèmes persistent, il est recommandé de consulter des professionnels. 

Il est toujours préférable de prévenir que d’attendre que les problèmes s’aggravent. Si vous avez pu maintenir une communication ouverte avec votre adolescent, n’hésitez pas à lui proposer de l’aide. Car il faut bien sûr qu’il soit volontaire et accepte de se faire aider pour que cela soit efficace. 

Vous pouvez faire appel à des psychologues, des psychiatres, ou des coachs, comme ceux qui interviennent chez « I am strong », cofondée par Anne-Claire de Pracomtal et Erika Seydoux. 

La méthode de coaching I am strong pour aider les adolescents

La méthode d’accompagnement 100% digitale d’I am strong, propose une plateforme dédiée au bien-être et à la santé mentale des jeunes. 

Les jeunes vont pouvoir alterner des séances en visio avec un professionnel certifié, diplômé, coach ou psychologue. Des activités à faire en ligne leur permettent d’apprendre à mieux se connaître et à se mettre en action. Les adolescents bénéficient d’un canal privilégié via WhatsApp avec le professionnel qui les accompagne pour un soutien continu.  Les questions de stress, d’orientation, de difficultés dans les apprentissages, de motivation, sont abordées à travers des challenges. Des professionnels spécialisés en sophrologie, hypnose, etc. interviennent. 

Anne-Claire de Pracomtal se charge de définir le parcours le plus approprié pour chaque jeune qui appelle. Car chacun est différent et n’aura pas les mêmes difficultés à gérer. 

I am Strong a mis en place un comité scientifique pour valider sa méthode. L’initiative est soutenue par des experts en psychologie, en éducation, et en mentorat. La présidente de ce comité n’est autre que Béatrice Copper-Royer, psychologue clinicienne, présidente de l’association e-Enfance qui lutte contre le cyberharcèlement. 

Signalons également le partenariat avec l’association Télémaque, qui œuvre pour l’égalité des chances via du mentorat. 

L’idée, c’est de faire de l’adolescence une période de transformation et non une période de crise, comme le rappelle Anne-Claire de Pracomtal.

👂 Votre enfant est orienté en filière professionnelle, par choix ou par défaut, écoutez Dylan Ayissi, fondateur de l’association Une Voie pour Tous, parler de la valorisation des lycées professionnels.

Quelles ressources lire et écouter pour comprendre les ados ?

Anne-Claire de Pracomtal recommande :

  • Le cerveau de votre ado, de Daniel Siegel.  C’est une bible très éclairante sur tout ce qui se passe à l'adolescence, notamment d'un point de vue neuronal et qui explique le comportement de nos ados. C’est à la fois à lire par les ados et par les parents. C’est intéressant et rassurant.

  • Les livres de Béatrice Copper-Royer, et plus précisément, Adolescentes sur le fil, avec Marie Guyot.

  • Le podcast « En famille » 

  • La newsletter d’I am strong, pour recevoir les articles de conseils, le calendrier des lives à destination des parents, etc.

Si vous avez eu à accompagner un ou des ados en souffrance, n’hésitez pas à commenter pour partager votre retour d’expérience.

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