École dehors : élevés en plein air avec Marie Petit #153
Une approche éducative prend de l'ampleur en France : l'école dehors. Alors que les nouvelles technologies occupent une place prépondérante dans notre quotidien, cette démarche s'appuie sur la nature comme terrain d'apprentissage et de développement pour les enfants. Marie Petit est devenue une figure incontournable de l'école en plein air. Elle a choisi de faire de la nature la salle de classe de ses élèves. Enseignante passionnée, elle a embrassé cette pédagogie par la nature et partage son expérience à travers son compte Instagram Les petits écolos. Elle est l'auteur du livre Élevés en plein air, aux éditions Leduc. Elle est aussi directrice d'école, formatrice, conférencière.
Dans Les adultes de demain, Marie dévoile son cheminement, ses défis et ses découvertes qui ont transformé sa vie professionnelle et personnelle. Elle explique comment elle a réussi à mêler ses deux passions : l'écologie et l'éducation.
Reconnecter à son enfant intérieur
Se souvenir de son enfance pour mieux comprendre les besoins des enfants
Dans son livre très personnel, Élevés en plein air, Marie raconte à travers son parcours dans l'enseignement, comment la nature s'est imposée à elle. Elle est apparue comme une nécessité dans son quotidien, et surtout, dans celui des enfants.
Au début de son livre, Marie revient sur son enfance. Elle a senti qu'elle avait oublié, pendant très longtemps, qui était cette petite Marie, son enfant intérieur. Elle souhaitait que le lecteur se reconnecte à son propre enfant intérieur dès le premier chapitre. C'est en effet essentiel pour pouvoir mieux comprendre ses enfants, ses élèves.
En se rappelant qui on était quand on était enfant, on va pouvoir trouver des solutions en tant qu'adultes, adaptées aux enfants. Si par contre, on reste dans son corps et sa posture d'adulte, on s'énerve pour ce que l'on considère comme des histoires d'enfants. On a tendance à percevoir les problèmes des enfants comme étant des petits soucis parce qu'ils sont petits en taille. Si on se rappelle nos grandes peurs et angoisses, on se rend compte que nos problèmes à cet âge-là ne sont pas plus minimes que ceux des adultes. Une phrase d'adulte peut avoir des répercussions pendant des années.
Passer de l'enseignante classique et désenchantée...
Maire a toujours voulu être enseignante. Quand elle était petite, elle alignait ses doudous dans sa chambre. Elle leur préparait des petites évaluations. Le rêve est devenu réalité avec beaucoup de travail. Mais la claque fut violente en débarquant dans les quartiers socialement très défavorisés du sud de Lille. Marie maîtrisait la théorie. Elle savait tout ce qu'elle devait faire pour être une bonne enseignante. Mais comme elle le dit : « dans les faits, je me sentais complètement nulle humainement ».
Alors qu'elle avait passé son été à préparer sa classe, elle a dû affronter dès la rentrée des situations d'enfants ;
frappés par leurs parents ;
qui ne mangeaient pas à leur faim ;
qui n'étaient ni soignés, ni lavés ;
en situation de handicap, etc.
Certains enfants étaient en foyer. Certains s'endormaient tellement ils manquaient de sommeil. Marie s'est sentie démunie : « je ne sais pas comment on fait avec ceux qui s'endorment sur la table. Est-ce que je dois les laisser dormir parce qu'ils manquent de sommeil ? Ou est-ce que je dois les forcer à faire leur évaluation ? Parce que sinon, ils prendront tout le temps la même excuse à chaque évaluation. Mais j'ai des bulletins à remplir. »
... à la maîtresse qu'elle s'était promis d'être
Cruel dilemme : il y a l'enfant et il y a l'élève. L'enseignant est là pour l'élève et pas pour l'enfant. Pendant toute la première partie de sa carrière, Marie a dissocié les deux. On apprend à le faire ainsi en formation. Objectif : faire de l'élève un citoyen responsable. Et de fait, cette première partie de carrière fut pour Marie un désenchantement. Dans son livre, elle se confie : « je deviens une enseignante qui ne ressemble pas à celle que je rêvais de devenir ».
Marie voulait être une enseignante qui prend en compte les besoins de chaque élève. Elle voulait les considérer comme des enfants à part entière. Elle souhaitait leur laisser la possibilité de :
trouver leur nature profonde ;
exprimer leur potentiel ;
être eux-mêmes.
Mais être maîtresse, c'est penser à tellement de choses dans la forme avant de s'occuper du fond. Elle fut complètement déboussolée par la charge administrative, celle des réunions et des préparations, des papiers et bulletins à remplir, des parents à rencontrer. C'est épuisant, au point que l'enseignant n'a généralement plus l'énergie pour traiter le problème du baume à lèvres perdu par son élève avec la posture et bienveillance adéquates.
Marie explique avoir enfin réussi à devenir la maîtresse qu'elle souhaitait être... dans la forêt. Elle a commencé à se reconnecter avec ses élèves, grâce à un projet écologique mené dans l'école. Devenue maman, la bascule se poursuit. Elle essaie d'être pour ses élèves l'enseignante qu'elle rêverait d'avoir pour son fils.
📖 Découvrez l’article sur jardiner à l’école, extrait de l’épisode 193 avec Sylvain Wagnon
La découverte de l'école dehors : sortir tous les jours pour apprendre…
La bascule vers l'enseignement en plein air
Parmi les premiers projets éducatifs en lien avec la nature, Marie évoque les kermesses écologiques organisées à l'école. Lors de ces journées, les élèves participaient à des petits ateliers pendant lesquels ils apprenaient à :
faire des semis ;
à désherber le potager ;
à jouer à des jeux de société ;
à faire des petits jeux sportifs ;
à réaliser du land art, etc.
Un jour, la kermesse écologique s'est terminée en forêt avec une action « ramassage des déchets sur le sol ».
Ce fut une première révélation : il y a une forêt à côté de l'école.
Le second événement majeur fut l'organisation de l'hommage à la liberté suite à l'assassinat de Samuel Paty. Mais Marie n'avait rien préparé. Elle a donc emmené les élèves en forêt pour la première fois, hors kermesse écologique. Ils ont fait une séance de méditation, un jeu sportif. Les enfants ne voulaient pas partir. Ils ont donc mené le jeu mathématique prévu en classe, en pleine nature. Marie l'a réadapté au pied levé pour le réaliser en forêt. Puis ce fut au tour de la séance d'anglais. L'heure des parents approchait, il a bien fallu rentrer. Mais dès le lendemain, les élèves ont demandé à retourner travailler en forêt. Petit à petit, c'est devenu une habitude.
Les bénéfices de la pratique de l'école dehors pour l’enseignant
« Pour laisser de la place aux autres, il faut d'abord trouver la nôtre », explique Marie. Emmener les enfants en forêt, faire de l'écologie à l'école, ce fut pour elle une façon de se retrouver. Elle fréquentait, dans le cadre professionnel, les lieux qu'elle préférait dans sa vie personnelle, avec ses enfants.
Marie n'était plus seulement l'enseignante, la directrice, Madame Petit. Elle était Marie. Elle a ainsi pu enlever un peu de la forme, du statut, pour être elle-même et authentique. De fait, cela a eu un impact sur sa relation avec ses élèves. Plus de récré à demander qu'on la laisse tranquille, que cessent ces histoires.
Dans la forêt, tout est tellement différent. Plus de cour bétonnée propice à l'ennui et aux accidents, mais un espace naturel de création infinie : construction de cabane, préparation de potions maléfiques... Marie, son atsem et la personne en service civique n'ont qu'à s'assoir et observer les enfants évoluer.
Les bienfaits de la pratique de l'école dehors pour les élèves
En forêt, place à l'imaginaire, aux jeux collectifs. Les timides ne le sont finalement pas tant que ça. En sortant plus régulièrement avec ses élèves, Marie a découvert une autre facette de leur personnalité. Les activités en plein air les ont rendus plus ouverts, plus curieux et plus épanouis.
Les filles et les garçons jouent bien plus ensemble que dans une cour de récréation en béton. L'occupation de l'espace se rééquilibre là où dans une cour d'école, 80% du terrain est occupé par les garçons. Dans ce même lieu, les filles ont tendance à se mettre près des murs et dans les petits coins pour jouer à la maman. En forêt, les enfants créent des groupes bien plus mixés.
Découvrez le jeu sur l’écologie, Ma Petite Planète scolaire,
un challenge de 3 semaines,
à mener en classe, en famille, à la maison, de la maternelle au lycée.
Réussir l'éducation en plein air des enfants
Activités pour emmener les enfants dehors
Le confinement a été pour Marie l'occasion de passer plus de temps avec ses enfants et de les observer davantage dans leur quotidien. Cette période a renforcé son idée de l'importance de l'éducation en plein air et de la nécessité de reconnecter les enfants à la nature.
Les sorties en nature sont devenues des moments privilégiés de partage et de complicité entre Marie, ses enfants et son conjoint. Marie encourage les parents à sortir régulièrement avec les enfants et à profiter des bienfaits de la nature sur leur développement.
Sur son compte instagram Les petits écolos, Marie partage de nombreuses idées d'activité à faire en plein air. Les enseignants et les parents pratiquant l'instruction en famille trouveront également du contenu pédagogique sur comment faire apprendre un enfant dehors.
👂 Écoutez les conseils de Sylvie d'Esclaibes sur que faire avec son enfant en promenade ? ou lisez l’article illustré sur les activités à mener dehors avec des enfants de tout âge.
Conseils pour pratiquer la classe dehors, à l'école et en IEF
Marie propose des cahiers de vacances dehors. Ces supports regroupent des jeux à mener pour apprendre et s'entraîner à calculer, à orthographier, à conjuguer, à tracer. Ces petits cahiers aident les enseignants à mettre en place des séances d'école dehors.
Les lecteurs du livre Élevés en plein air trouveront aussi des idées de séquences à la fin du livre. Marie n'a pas souhaité écrire un énième livre sur faire classe dehors ou comment fabriquer une flûte avec un bâton ou une cabane.
Elle donne des outils aux enseignants et aux familles, qui accompagnent des enfants de maternelle ou élémentaire, à investir la nature en ville ou à la campagne, dans des milieux sociaux favorisés ou précaires. L'objectif est que l'ensemble des activités proposées soient réalisables par tous et pour tous les enfants.
🎧 Retrouvez les idées d'activités de Sylvie d'Esclaibes, pour apprendre et jouer dehors et sur les apprentissages dans la nature.
Références du podcast :
Livre Élevés en plein air aux éditions Leduc
Livre Colibri et après ? aux éditions Leduc
Les e-books : https://les-petits-ecolos.fr/produits/